La forteresse assiégée

C’est le rôle préféré d’Emmanuel Macron : le mode sauveur. Quel que soit le sujet, il s’agit de donner l’impression que la France est en butte à des attaques incessantes, contre lesquelles il serait nécessaire de se défendre. C’est ainsi qu’il a émis l’idée, pendant la campagne présidentielle, de lancer un organisme supplémentaire, dont on s’était fort bien passé jusque-là, le Conseil National de la Reconstruction, dont les initiales ont été choisies à dessein pour évoquer le Conseil National de la Résistance, auteur à la libération de nombreuses avancées sociales dont la création de la Sécurité sociale.

Comme la plupart des organisations représentatives de la société française ont annoncé qu’elles ne participeraient pas à cette mascarade, cette parodie de consultation, dans laquelle on invite les participants à donner un avis dont personne ne tient compte ensuite, comme pour la convention citoyenne sur le climat, le président s’est rabattu sur une formule dont il contrôle tous les éléments : le conseil de défense. Emmanuel Macron court-circuite ainsi à la fois la représentation nationale, celle des députés et des sénateurs, mis à l’écart des décisions, et le Conseil des ministres, réduit à un rôle consultatif dont on se demande à quoi il sert si tout passe par le feu vert présidentiel. Le chef de l’état a donc réuni la Première ministre et une poignée de ministres pour discuter de la situation énergétique de la France et des stratégies destinées à permettre de passer l’hiver. Nous en savons uniquement ce qui a été calibré par le pouvoir, car les délibérations sont couvertes par le secret-défense, au même titre que la dissuasion nucléaire, par exemple. Le candidat Macron, version 2022, nous avait promis une nouvelle méthode dans la prise de décision. Force est de constater qu’elle ressemble furieusement à l’ancienne, quand il s’agissait de combattre le virus, et que le terme défense avait un semblant de légitimité.

Qu’avons-nous appris de cette réunion ? À vrai dire pas grand-chose, sinon que ça ira, sauf si ça ne va pas. Nous avons des stocks de gaz pratiquement au max, mais cela ne permet de tenir que 2 ou 3 mois, et les réacteurs nucléaires que l’on a longtemps négligé d’entretenir parce que le président semblait vouloir les fermer devraient être remis en service. Si tout va bien. On croise les doigts. La guerre en Ukraine n’y est pas pour grand-chose, cette fois. Le retard dans les énergies renouvelables, beaucoup. Nous n’avons plus qu’à espérer que le dérèglement climatique ne nous amène pas à des vagues de froid symétriques de la canicule de cet été. Nous serions alors obligés de nous rationner, d’une manière ou d’une autre, faute d’avoir anticipé la crise, pourtant très largement prévisible.