La brigade du rire
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 2 septembre 2022 11:11
- Écrit par Claude Séné
Le sujet ne date pas d’hier. À la question « peut-on rire de tout ? », Pierre Desproges répondait en son temps : « oui, mais pas avec n’importe qui ». Pour sa part, la députée écologiste Sandrine Rousseau est bien d’accord pour que l’on puisse rire, y compris d’elle-même, à condition que cela ne soit pas humiliant. Elle réagit ainsi à la publication d’un compte qui se présente ouvertement comme parodique sur Twitter, où ses anciens messages sont détournés et publiés sous le nom de Sardine Ruisseau. Ce compte est suivi par de nombreux internautes, 114 000 abonnés parmi lesquels le patron de Twitter lui-même.
La moquerie fait partie du métier d’homme ou de femme politique, comme de toute personnalité connue, et l’on peut s’en émouvoir. Au temps des Guignols de Canal plus, on avait l’habitude de dire qu’il y avait pire que d’avoir sa marionnette, et c’était de ne pas en avoir. On a d’ailleurs attribué en partie la réélection de Jacques Chirac à l’image « sympatoche » de son double en latex. D’autres, comme notre Johnny national, ont confié leur souffrance d’être ainsi exposés à une image dévalorisée d’eux-mêmes. Les réseaux sociaux ont grandement changé la donne. On peut fermer un compte Twitter sans savoir s’il ne va pas resurgir sous un autre intitulé et les informations, vraies ou fausses qu’il contient, sont relayées et diluées dans l’opinion sans que l’on puisse arrêter le flux, qui ruisselle dans toutes les directions à la fois. Des campagnes orchestrées par des adversaires peuvent être déclenchées et donner lieu à ce que Sandrine Rousseau appelle du harcèlement. Mais qui va décider que les bornes ont été dépassées, et que l’on est plus dans la simple plaisanterie ? Faudra-t-il instituer des brigades du rire pour être les arbitres de l’humour ? On a vu les incidences possibles avec les caricatures de Mahomet, prétextes à l’intolérance absolue.
Sandrine Rousseau a réussi à focaliser les attaques sur sa personne en prenant des positions tranchées sur de nombreux sujets, à la fois radicales sur le fond et cassantes sur la forme. Je ne suis pas certain que les idées, souvent justes, qu’elle défend soient les mieux servies, car elle a l’art de les présenter sous un mode passif agressif. Un des derniers épisodes en date concerne ce que j’appellerai le « barbecue-gate ». Pendant les universités d’été de son parti, elle a voulu condenser dans une même formule deux combats qui lui tiennent à cœur, la dénonciation du patriarcat et la promotion du régime végétarien. Pour illustrer son propos, elle dénonce le barbecue en tant que « symbole de virilité » auquel s’accrocheraient des hommes accusés de machisme quand ils s’occupent des grillades. À mélanger ainsi deux combats, elle les affaiblit, à mon humble avis, et prend le risque de se mettre à dos la moitié masculine de la population se sentant agressée sans rien y pouvoir.