La morale et le droit
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 1 septembre 2022 10:37
- Écrit par Claude Séné
Dans une société civilisée, ces deux notions devraient faire bon ménage et cohabiter sans anicroche importante. C’est ce que l’on appelle généralement l’état de droit, un état qui tient compte, non seulement de l’intérêt général, mais aussi qui protège les individus contre la tentation de l’autorité de faire fi de leurs droits fondamentaux, fussent-ils délinquants, ou pire, criminels. L’affaire de l’expulsion de l’imam marocain, Hassan Iquioussen, en est une illustration flagrante. Sur le fond, cela ne fait pas ou peu de questions. L’imam aurait proféré des propos antisémites, et défendu la thèse de l’infériorité de la femme et sa soumission à l’homme.
C’est pour ces raisons que le ministre de l’Intérieur a demandé son expulsion du territoire français vers le Maroc, le pays d’origine de sa famille, bien qu’il soit lui-même né en France. Premier sujet d’étonnement. L’antisémitisme constitue à lui seul un délit, ainsi que les incitations à la haine raciale. Pourquoi accorder une forme d’impunité à celui qui défend ces positions, au lieu de le juger comme n’importe quel délinquant, de quelque nationalité qu’il soit ? Gérald Darmanin ayant choisi la voie la plus expéditive, il s’est heurté à un premier obstacle juridique, le tribunal administratif qui a suspendu la mesure au motif de raisons familiales. Heureusement pour le ministre de l’Intérieur, le Conseil d’État, lui, a confirmé la mesure d’expulsion, alors qu’il avait annoncé que si le Conseil lui donnait tort, il était prêt à changer la loi. Comme c’est commode ! Restait à convaincre le Maroc d’accueillir son ressortissant, à un moment où la délivrance de visas entre les deux pays fait l’objet de négociations difficiles.
Qu’à cela ne tienne. Une perquisition au domicile de l’imam a constaté son absence et permis de le considérer comme fugitif. Voilà qui dispense l’état français d’apporter des preuves irréfutables des soupçons qui pèsent sur lui, notamment en matière de discours « séparatistes » selon la formule du ministre. Si l’imam s’est réfugié en Belgique comme le croient les autorités françaises, il aura rendu service à Gérald Darmanin, empêtré dans un imbroglio politico-judiciaire, dont le dossier, mal ficelé, aurait demandé un traitement assez long pour un résultat incertain. Le ministre a expliqué lui-même que l’imam avait pu fuir parce qu’avant ce départ, il n’avait jamais été condamné, et que nous ne pouvions pas le surveiller étroitement, car il n’était ni fugitif ni condamné. En d’autres termes, jusqu’à preuve du contraire, il était présumé innocent. Gérald Darmanin oublie au passage qu’une personne peut être placée en détention préventive si son maintien en liberté est susceptible de nuire à l’ordre public ou de faire obstacle à l’enquête. On voit par là tout le cas que fait le ministre des règles établies, qu’il tente de manipuler à sa convenance. Aujourd’hui, c’est un personnage détestable et potentiellement dangereux qui en fait les frais, mais demain ?