L’apocalypse maintenant ?

77 ans exactement après les frappes d’Hiroshima et de Nagasaki, on ne peut pas s’empêcher de craindre que, à dessein ou par accident, une explosion nucléaire de grande ampleur vienne semer la mort et la désolation autour de la centrale ukrainienne de Zaporijjia, tombée aux mains des Russes depuis mars dernier. La centrale, qui fonctionne toujours et fournit une part importante de l’électricité du pays, se trouve à proximité de la zone des combats et constitue un enjeu stratégique autant qu’économique. Les belligérants s’accusent mutuellement des bombardements qui se sont intensifiés récemment, et les occupants russes se servent des bâtiments comme d’entrepôts militaires, protégés par le risque nucléaire.

« Tu n’as rien vu à Hiroshima », répète un personnage du film d’Alain Resnais et du livre de Marguerite Duras, Hiroshima mon amour. Et si, en effet, nous n’avions encore rien vu de ce que pourrait être une catastrophe nucléaire de grande ampleur ? nous en avons eu un aperçu avec l’explosion du réacteur numéro quatre de la centrale de Tchernobyl, déjà en territoire ukrainien, sous l’égide de la puissante URSS, le 26 avril 1986. 36 ans plus tard, et malgré le sacrifice de nombreux nettoyeurs qui sont allés à une mort certaine pour tenter de contenir le matériel nucléaire à l’intérieur d’un sarcophage le plus étanche possible, nous ne savons toujours pas comment isoler définitivement les matières fissiles, et les conséquences sur les populations sont irréversibles. Les nouvelles centrales nucléaires, du type de celle de Zaporijjia sont réputées pouvoir résister à la chute accidentelle d’un avion de tourisme, mais ne sont pas à l’abri de frappes directes de missiles ou de roquettes. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres, a qualifié de suicidaire toute frappe qui atteindrait la centrale, d’où qu’elle vienne, et l’on ne peut pas lui donner tort. La première victime serait évidemment l’Ukraine dont la presque totalité du territoire serait directement contaminée, mais les pays européens, et notamment les plus voisins tels que la Pologne ou la Moldavie, mais aussi plus éloignés comme l’Allemagne ou la France, ainsi que l’a démontré le nuage radioactif baladeur de 1986. La Russie aurait tort de penser qu’elle serait plus à l’abri qu’une autre nation.

Quand les États-Unis ont pris la décision de bombarder les deux villes japonaises en août 1945, le président Truman espérait ainsi abréger la guerre en contraignant le Japon à la reddition, et en épargnant la vie de nombreux soldats américains. Un objectif atteint, même si l’on met dans la balance les 100 à 200 000 victimes civiles japonaises. Il en va tout autrement de la guerre de conquête de la Russie de Monsieur Poutine. Aucun des belligérants ne tirerait profit d’une politique de la terre brûlée, et la puissance d’une explosion nucléaire n’a cessé d’augmenter depuis Hiroshima. Une raison supplémentaire de s’inquiéter d’un projet économique reposant majoritairement sur la production d’électricité d’origine nucléaire.