L’ennemi politique numéro 1

Guy Bedos, né en 1934 à Alger, a connu lui aussi des débuts difficiles, comme son contemporain et ami Pierre Desproges.

Ses talents étaient multiples, artiste de music-hall, acteur, scénariste, écrivain, c’est en tant qu’humoriste qu’il était sûrement le plus connu.

Écrivant ses sketches, aidé parfois par son grand ami Jean-Loup Dabadie, il a enchaîné les duos, dès 1965 avec sa femme Sophie Daumier, qui a oublié le sketch de la drague ? Repris par de nombreux copieurs, ou sa complicité avec Muriel Robin ? Il aime se moquer du Français moyen (le sketch de Marrakech) ou des rapports humains, mais très vite il aborde un autre univers, celui de la politique. Il dénonce l’hypocrisie, la corruption, la bêtise avec un humour féroce.

« J’étais à l’usine, mon usine, je regardais la foule des ouvriers, 830 personnes plus 80 Noirs et 120 femmes 1000 salariés en tout… à la campagne j’ai une paire de salariés qui acceptent un salaire pour deux… je leur ai fait une salle de bain dans la cave, ils y mettent le charbon… »

Pour fêter ses 20 ans de carrière, Pierre Desproges, son ami et néanmoins concurrent, lui tresse un éloge de son vivant. « Chouchou de l’intelligentsia cosmopolite de l’avenue Foch… Guy Bedos vient de passer l’arme où ça ? À gauche évidemment !... Les gens de gauche ne sont-ils pas des êtres humains comme les autres ! »  Voilà, tout est dit… son engagement sera de plus en plus notoire à chacun de ses spectacles, avec l’exercice de « la revue de presse » où il brocarde sans retenue les politiciens, les grands financiers, et décortiquait la situation sociale et économique.

Extrait de ses revues de presse.

Debré, s’il n’était pas né, il faudrait l’inventer

J’ai eu peur que Jospin passe, j’ai voté pour lui…

Ce sera donc l’année Chirac, au risque de décevoir je le trouve plutôt sympa, un peu con, mais sympa avec son côté grand dadais… Il est imprévisible… avec lui l’action précède toujours la réflexion… Il est le seul à avoir eu l’idée de relancer les essais nucléaires juste le jour de l’anniversaire d’Hiroshima !

Il a gardé les mêmes conseillers que Mitterrand (qui je crois travaillent toujours pour Mitterrand)

Un homme qui garde ses chaussettes de ville avec un bermuda ne peut pas être totalement mauvais.

Pasqua ! Le seul politique qui pourrait m’inciter à demander l’asile politique à la Belgique.

Balladur (qui porte ses couilles sous son menton) Juppé (vieillot, acariâtre, même sa mère dira je ne l’ai jamais connu bébé) Debré… leur différence avec moi c’est qu’ils vivent sur l’argent public, et moi je vis avec l’argent du public !

Arpentant la scène comme un lion en cage, ses fiches à la main, râleur, un peu macho, misogyne, un brin réac, il disait ne pas pratiquer l’adultère politique et assumer sa subjectivité tranchante, revendiquant la liberté de conflit ou de désaccord. Il faisait de la morale sans moralisme, souhaitant faire du drôle avec du triste et garder un rire de résistant.

Il disait « je vais bien. Si tout le monde allait aussi bien que moi, j’irais mieux ».

On regrette ce saltimbanque aimant la commedia dell’arte qui a su si bien respecter son leitmotiv :

« En piste, en piste les artistes ! C’est notre rôle d’être drôle ! »

 

L’invitée du dimanche