Paillasse ou Terminator

C’est sur cette ultime pirouette : « hasta la vista, baby », que Boris Johnson a terminé son discours d’adieu au Parlement britannique en qualité de Premier ministre. Cette phrase est une citation du film de science-fiction Terminator 2 dans lequel le personnage interprété par Arnold Shwarzenegger, mi-humain, mi-robot, se débarrasse de son adversaire en lui disant ironiquement au revoir. Car c’est bien ce qu’il faut entendre dans cette déclaration humoristique de l’ancien dirigeant, poussé vers la sortie par des scandales à répétition. Au choix, il veut dire à l’opinion anglaise que « ce n’est qu’un au revoir », ou bien qu’il s’en va de son plein gré, et qu’il reste au-dessus de la mêlée.

Dans un « au revoir », il y a nécessairement cette ambivalence qui marque une séparation effective et la promesse d’une nouvelle rencontre. Boris Johnson ne s’est pas vraiment résigné à devoir partir sans esprit de retour. Au Royaume-Uni comme ailleurs, les hommes politiques ne meurent jamais, mis à part ceux qui sont réellement décédés. L’ancien Premier ministre ne déroge pas à cette règle. Après s’être accroché aussi fort qu’il le pouvait à son poste, il se résout à le quitter, mais en laissant la porte entr’ouverte, au cas où l’on aurait à nouveau besoin de ses services, et il se tient prêt, si nécessaire, à revenir par la fenêtre. S’il a choisi cette citation pour suggérer qu’il ne serait jamais très loin si le Royaume souhaitait le voir revenir, c’est peut-être parce que le même personnage, dans d’autres épisodes de la saga, s’écrie : « i’ll be back ! » (je reviendrai). Pour ma part, j’ai toujours considéré Boris Johnson plus comme l’incarnation du personnage de l’opéra de Leoncavallo, Paillasse, que comme un superhéros chargé de sauver l’humanité. La tignasse de l’homme politique anglais évoque pour moi la figure du clown, de l’auguste circassien, tout en lui reconnaissant une grande habileté dans les manœuvres politiques.

Cependant, il pourrait bien avoir effectué son dernier tour de piste, car les candidats n’ont pas manqué pour briguer sa succession, et les deux derniers encore en lice, qui ont exercé des fonctions ministérielles dans le précédent gouvernement, et dont les démissions ont précipité la chute de Johnson, ont des arguments à faire valoir et devraient, l’un comme l’autre, permettre le retour à une plus grande sérénité à la tête de l’état. Si les Britanniques ont la réputation, justifiée, d’aimer une certaine dose d’excentricité et de non-conformisme, il semble que les limites ont été franchies. Sur le fond, toutefois, il ne faut pas s’attendre à des concessions britanniques sur la mise en place effective du Brexit. Paillasse continuera de rire aux dépends de l’Europe.