L’esprit canal
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 2 juillet 2015 11:02
- Écrit par Claude Séné
Tout comme l’esprit du 11 janvier, il n’est pas facile de définir ce qui caractérise l’esprit canal. Au point que pour l’un comme pour l’autre, on n’est même pas sûr qu’il existe vraiment. Si quelqu’un peut revendiquer d’avoir contribué à créer une forme originale pour la chaine cryptée, c’est bien Alain de Greef, récemment disparu après une longue maladie comme l’on dit pudiquement en pareil cas. Directeur des programmes de Canal plus, il avait créé des émissions devenues culte, telles que Groland et surtout les guignols de l’info, véritable éditorial de la chaine, pratiquant une liberté de ton introuvable ailleurs.
Rien d’étonnant donc à ce que Vincent Bolloré, propriétaire de Vivendi et donc du groupe possédant Canal plus, ait songé fortement à avoir la peau de ces personnages de latex devenus progressivement des leaders d’opinion. On a beaucoup dit, et probablement à juste titre, que les Guignols ont contribué sans le vouloir à la réélection de Chirac, alors qu’ils n’avaient pas cessé de l’attaquer sur le thème des magouilles et des affaires d’État, en en faisant malgré eux un personnage sympathique, même quand il prenait le costume de Super menteur. La première alerte a eu lieu en février dernier, quand Bolloré critiquait à mots couverts l’émission phare de sa chaine dont il jugeait l’humour trop offensif. Quand on connait les liens d’amitié qui unissent le capitaine d’industrie et un ancien président de la République, à qui il avait prêté son yacht privé pour savourer son élection en 2012, on comprendra aisément qu’il aimerait bien que les flèches atteignent ses adversaires politiques et épargnent ses proches.
Depuis leur création, les guignols ont été animés par des auteurs différents, mais ont constamment manifesté une indépendance d’esprit, les conduisant à critiquer tous azimuts, y compris leur propre direction. Ne pouvant manifestement pas dicter ses volontés aux trublions, Vincent Bolloré aurait décidé de saborder l’émission, qui réalise pourtant constamment de bons scores d’audience, en ne la reconduisant pas à la rentrée. Une décision qui, si elle se confirmait, manifesterait qu’en même temps que l’un de ses fondateurs historiques, l’esprit canal serait en train de disparaitre. Il ne nous resterait plus que les clowns tristes du style Hanouna ou Sébastien, plus navrants que drôles.
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