Vertige
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 2 juin 2015 10:51
- Écrit par Claude Séné
La nature a soi-disant horreur du vide. Je n’en suis pas si sûr quand j’observe le succès des téléréalités dans lesquelles les protagonistes rivalisent dans l’ignorance et l’inculture, alignant les perles à une cadence supérieure à celle que les meilleurs auteurs pourraient imprimer en faisant appel à leur imagination, et cela sans le moindre effort. L’idéal de notre société semble être devenu de réussir pour ce qu’on est plutôt que pour ce qu’on fait. Surmontant ma tendance naturelle au vertige, je me suis penché sur la réussite d’un nouveau phénomène issu tout droit des fosses abyssales d’un néant sartrien de l’Internet.
Le nom de Marie Lopez ne vous est sans doute pas familier, mais si vous avez dans votre entourage une ado, parlez-lui de EnjoyPhoenix, et elle saura probablement vous renseigner sur la nouvelle coqueluche des adeptes de l’eau précieuse et des appareils dentaires. La demoiselle a commencé à l’âge de 15 ans à donner des conseils de beauté à ses copines virtuelles sous la forme de petites vidéos fabriquées artisanalement et diffusées sur YouTube. Bon, si le nez de Cléopâtre, vous connaissez la suite, ou si elle avait ressemblé à Rossy de Palma, le succès n’aurait peut-être pas été au rendez-vous. Pour paraphraser Coluche, quand on vend de la beauté, on a intérêt à avoir quelques échantillons sur soi. Toujours est-il que l’identification a marché à plein régime et que la belle a été suivie par des milliers de jeunes filles jusqu’à passer le cap du million d’abonnées en 2014.
Je ne me considère pas comme le cœur de cible du blog en question, mais j’ai un peu de mal à comprendre l’engouement pour des sujets aussi pertinents que la façon de faire des boucles avec un lisseur, le sujet de sa première vidéo. En tout cas, Marie ne se contente pas d’avoir la tête bien faite, elle a aussi le sens des affaires. Les marques la sollicitent pour qu’elle prescrive leurs produits et les revenus publicitaires généreraient un profit de l’ordre de 300 000 euros par an. Cerise sur le gâteau, on vient évidemment d’abattre un certain nombre d’arbres pour faire part, toutes affaires cessantes, de la vie et de l’œuvre de la célébrité sous forme d’un ouvrage déjà bestseller en deux semaines et sobrement intitulé #EnjoyMarie. Une question cependant me taraude : attendre l’âge canonique de 20 ans pour publier ses mémoires, ce n’est pas un peu tard ?