Intraduisible ?
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 26 mai 2015 10:21
- Écrit par Claude Séné
Le week-end dernier a été riche d’évènements, dont je n’ai pas eu l’occasion de rendre compte jusqu’ici. Je vais donc essayer de réparer cet état de fait par un de ces rapprochements audacieux dont je garde jalousement le secret. Et cela commence par un cocorico d’autant mieux senti qu’il s’est fait rare ces dernières années. Le cinéma français a été mis à l’honneur, grâce aux présidents du jury à Cannes, les réalisateurs américains Ethan et Joël Cohen. Ils ont eu l’élégance de renvoyer l’ascenseur que nous prêtons gracieusement à chaque production de Woody Allen, beaucoup plus populaire en France que dans son propre pays.
Ce succès de prestige ne fera pas oublier que l’audience des films récompensés restera comme d’habitude assez confidentielle, les Américains détestent les sous-titres et le doublage et préfèrent refaire à leur sauce ketchup les scénarios qui leur paraissent dignes d’intérêt. Cette reconnaissance de la « french touch » au cinéma ne peut pas effacer le nouvel échec cuisant de la France au concours de l’Eurovision. Même si nous avons progressé de deux places, il faut se rendre à l’évidence : la production française n’est pas formatée pour les exigences de cette compétition. À commencer par la langue. Nous serons bientôt les seuls à utiliser la langue nationale au lieu du globish international baptisé anglais, et cela bien que tout le monde se moque éperdument des paroles. La deuxième raison tient probablement au physique. Après le succès de la diva barbue de 2014, la France aurait peut-être dû se faire représenter par les Daft Punk, dont les casques conservent le mystère et laissent place à toutes les fantaisies de l’imagination.
Enfin, après la polémique qui a entouré la réforme de l’apprentissage des langues au collège, je voudrais souligner que les Espagnols ont réussi à traduire dans les urnes le slogan « yes, we can » de la campagne d’Obama. Cela donne à peu près : « si, se puede » et a même inspiré le nom du tout récent parti antisystème Podemos, qui talonne le Parti Populaire de Mariano Rajoy et le dépasse même à Barcelone. Il semblerait que le concept soit traduisible en grec, si l’on en juge par le succès de Syriza, mais pour l’instant, il ne parait pas pouvoir être adapté en français, la faute à de vilains franchouillards héritiers de la francisque, qui ont préempté l’indignation. On attend toujours le nouveau Cohn-Bendit qui secouera le cocotier.