Fidélité

La nouvelle est un peu trop belle pour être complètement vraie, mais elle correspond suffisamment à l’air du temps pour être crédible. Selon La Provence, célèbre journal régional racheté par Tapie, les dealers des quartiers Nord de Marseille proposeraient une carte de fidélité à leurs clients pour les inciter à revenir se fournir chez eux. Comme dans n’importe quel petit commerce, la fameuse carte serait tamponnée après l’achat et donnerait droit à divers cadeaux et ristournes, destinés à entretenir l’amitié.

Bien que mise en doute par le préfet des Bouches-du-Rhône, l’information a fait le tour du net et créé le buzz. Il paraîtrait que la clientèle potentielle a afflué du côté des quartiers sensibles, générant un chiffre d’affaires en nette progression. Selon le témoin cité par La Provence, la fameuse carte sert aussi de catalogue en détaillant les produits en vente, les tarifs, les offres spéciales et les promotions. Y apparaissent également les récompenses promises aux clients réguliers, depuis les simples feuilles à rouler jusqu’aux briquets jetables et même les ristournes. Comme l’épicier du coin, le dealer y inscrit également ses horaires d’ouverture, pour que le chaland ne se casse pas le nez, ce serait ballot !

On y croit d’autant plus que c’est un secteur où, d’évidence, la concurrence est rude. On a coutume de dire de façon imagée dans les secteurs commerciaux les plus encombrés qu’il y aura « des morts » à l’issue de la « guerre » entre les entreprises. Ici, l’expression est à prendre au sens propre, si l’on peut dire. Peu de semaines sans que l’on entende parler de faits divers ressemblant furieusement à des règlements de comptes dans la région de Marseille. Par comparaison, cette petite histoire de fidélisation de la clientèle fait l’effet d’une aimable bluette, tendant à banaliser un trafic qui fait des ravages en particulier dans la jeunesse. La vraie question n’est pas la fidélisation, mais bien entendu l’addiction, ce que l’on a tendance à oublier dans cette affaire.

À condition que l’anecdote soit vraie, ce qui est loin d’être prouvé. La tendance des Marseillais à la galéjade ne date pas d’aujourd’hui. C’est pratiquement un sport national depuis l’affaire de la fameuse sardine tellement grosse qu’elle avait bouché le vieux port. Pour ma part, je voudrais en profiter pour remercier mes lecteurs de leur fidélité et leur rappeler qu’en s’inscrivant, ils bénéficient gratuitement du supplément de l’invitée du dimanche !