Ça ne va pas bien se passer

C’est aujourd’hui 9 février la sainte Apolline, mais le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait décidé de souhaiter sa fête à la journaliste de BFMTV, Apolline de Malherbes avec un jour d’avance, dès hier matin. Le ministre, invité de la matinale, prenait de très haut la question critique de la journaliste qui lui rappelait un bilan négatif de son ministère concernant les atteintes aux personnes. Le ton, condescendant, et les insinuations ouvertes sur le manque d’objectivité constituaient une agression verbale, à laquelle la journaliste répliquait sans se laisser impressionner.

C’est alors que Gérald Darmanin a franchi les limites d’une discussion un peu musclée en infériorisant son interlocutrice, laissant entendre qu’elle aurait perdu ses nerfs, qu’elle devrait se calmer et que tout allait bien se passer. Une manœuvre tristement éventée, vieille comme les débats politiques eux-mêmes, mais que les politiques avisés réservent exclusivement à leurs adversaires, évitant de s’en prendre aux journalistes, qui rendent compte au public sans descendre eux-mêmes dans l’arène. Ce qui est particulièrement embêtant dans cet échange, c’est qu’on a la très nette impression que le ministre n’aurait pas réagi de la même façon s’il avait eu affaire à un interviewer masculin et que la misogynie n’est jamais très loin dans le discours du ministre. On a échappé de justesse à une accusation d’hystérie, ou d’influence du cycle menstruel.

Vous trouvez que j’exagère ? Rappelons-nous que si le ministre a bénéficié de l’abandon des plaintes pour viol le concernant, faute de preuves suffisantes, il reste soupçonné d’avoir profité de sa situation de pouvoir pour obtenir des faveurs sexuelles en échange de services rendus dans l’exercice de ses fonctions. Double faute. Une en tant que ministre, une autre en tant que personne, qui se serait comportée en « sale con » comme il l’admet lui-même dans un SMS envoyé à son accusatrice. Même si la justice n’a, pour l’instant, pas trouvé matière suffisante aux poursuites, ma religion sur le personnage est faite. Son impunité a eu pour effet de lui faire croire à une immunité, au point de se croire tout permis. On est sidéré par son égo boursouflé que rien ne justifie, et inquiet de lui voir confier de nouvelles responsabilités si le président actuel était réélu. Contrairement à ce qu’il a voulu affirmer à la télévision, j’espère bien que tout ne va pas bien se passer pour lui. Le bilan de ces bientôt cinq années passées place Beauvau n’est pas aussi fameux qu’il le prétend, et pourrait même être un boulet dans une campagne électorale. Gérald Darmanin le sait mieux que personne, qui connait les chiffres de la délinquance. Comme ses prédécesseurs, il est tiraillé entre le désir de montrer un accroissement du travail des policiers, en gonflant les statistiques, et celui d’afficher une tranquillité due à une baisse de la criminalité. Une quadrature du cercle.