Poker menteur
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 8 février 2022 10:47
- Écrit par Claude Séné
Officiellement, les rencontres entre Wladimir Poutine et Emmanuel Macron d’une part, Joe Biden et Olaf Scholz, d’autre part, n’avaient pour but que d’éviter une confrontation armée entre la Russie et l’OTAN au sujet de la question ukrainienne. En réalité, les enjeux de chacun des dirigeants vont au-delà du simple évènement et la bonne entente affichée par les protagonistes cache des différends et des non-dits. Chacun joue déjà le coup d’après et défend une posture plus encore qu’une position. Le président russe a vanté la pugnacité de son interlocuteur français, venu quant à lui montrer son costume de président provisoire de l’Union européenne.
Mission accomplie pour Emmanuel Macron qui pratique la méthode Coué en se disant confiant, sans la moindre raison objective, sur un accord de désescalade militaire, qui reste à négocier. Poutine a déjà obtenu ce qu’il souhaitait : la reconnaissance des droits de la Russie à contrôler les pays frontaliers et à leur interdire de contracter des alliances qu’il jugerait dangereuses, comme au bon vieux temps de l’URSS. On peut facilement imaginer ce qu’il entend par compromis dans ce contexte. C’est pourtant ce que Macron va devoir essayer de vendre aux alliés européens et à l’opinion française dans la perspective de la campagne présidentielle. Il peut en sortir renforcé comme affaibli selon la tournure des évènements, que nul ne peut prévoir, tant la situation est tendue. Poutine a déjà démontré dans un passé récent qu’il n’hésitait pas à profiter de la faiblesse des adversaires en misant son « tapis » comme en Crimée ou dans le Donbass.
Alors le salut viendra-t-il de l’autre côté de l’Atlantique ? Les Américains voudraient que les Européens prennent en charge leur propre défense tout en continuant à suivre la ligne qu’ils définiraient pour eux. C’est ainsi que Joe Biden a promis qu’en cas d’invasion russe en Ukraine, il serait « mis fin » au projet très avancé de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne. Il emploie un « nous » dont on ignore s’il est de majesté pour désigner sa propre décision, ou le fruit d’une entente entre les États-Unis et l’Allemagne, dont il semble vouloir forcer le bras. Les deux partenaires affichent leur union indéfectible avec un peu trop d’insistance pour qu’on les croie totalement sincères. Le chancelier allemand garde la ligne d’Angela Merkel, pour qui l’approvisionnement en gaz russe était vital, tandis que le président américain y voit une dépendance dangereuse et un levier de chantage éventuel des Russes. Les rencontres bilatérales des dirigeants vont se poursuivre, avec une rotation des intervenants, et notamment du président ukrainien, quand même concerné au premier chef, et traité comme quantité négligeable. Un peu comme le célèbre dicton qui veut que si vous vous trouvez à une table de poker et que vous ne savez pas qui est le pigeon, c’est que c’est vous.