Le procès de trop ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 23 mai 2015 10:59
- Écrit par Claude Séné
L’affaire d’Outreau a déjà connu deux procès, à Saint-Omer en 2004 et à Paris en 2005, qui se sont soldés par l’acquittement de 7 accusés et la condamnation de 4 autres. L’instruction par le juge Burgaud avait été au centre de toutes les critiques, ainsi que l’emballement médiatique autour des procès. La procédure actuelle auprès du tribunal pour mineurs est le résultat d’une aberration. Daniel Legrand, acquitté en tant que majeur avec ses coaccusés, doit être rejugé pour des faits antérieurs à sa majorité, son cas ayant été disjoint à cause de son âge.
Ce procès a bien failli ne jamais se tenir, puisque la prescription de 10 ans après l’instruction aurait été atteinte en octobre 2013, mais le parquet a finalement décidé de poursuivre, in extremis, sur la pression d’une association de défense de l’enfance en danger. C’est donc pour des faits remontant à 15 ou 20 ans que Daniel Legrand comparait à Rennes devant la cour d’assises des mineurs. Son principal accusateur est très flou dans ses souvenirs. Qui pourrait s’en étonner ? Dans la plupart des cas, il répète ses réponses apportées au moment de l’instruction, des souvenirs « reconstruits » en quelque sorte, comme tout un chacun peut en avoir à partir de ce que l’entourage a pu nous raconter sur notre petite enfance.
Ce n’est pas le cas du juge Burgaud, qui a eu tout le loisir de préparer sa défense, dans un plaidoyer pro domo de 45 minutes où il s’applique à gommer toute défaillance de son instruction de l’époque. Il souligne les aveux « spontanés » de Daniel Legrand qui se rétractera par la suite. Soumis à une audition de 4 heures, même par visioconférence, il perdra quelque peu de sa superbe pour admettre du bout des lèvres que son instruction aurait pu être plus précise. A-t-il touché du doigt, même de façon lointaine, la terrible pression qui s’exerce sur un accusé et peut le pousser à avouer un crime qu’il n’a pas commis simplement pour avoir la paix ? J’en doute, malheureusement.
Ce 3e procès peut-il déboucher sur une découverte de la vérité qui aurait été cachée jusque-là ? Non. Peut-il apporter un quelconque soulagement aux victimes, bien réelles, des abus sexuels ? Pas davantage. Alors à quoi sert-il, si ce n’est à faire tourner à vide une machine judiciaire bien fatiguée ?