Au nom du peuple italien

L’ancien ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, comparaissait samedi dernier à Palerme pour la deuxième audience concernant son refus de laisser débarquer 147 migrants sur le territoire national en 2019, alors que la situation sanitaire à bord du navire qui les avait recueillis en mer était critique. Cette décision, essentiellement politique, est assimilée à une séquestration. Elle est contraire au droit international qui stipule que le sauvetage de personnes en danger en mer est un devoir et que les navires doivent être dirigés vers le port « sûr » le plus proche pour y débarquer les personnes ainsi sauvées.

Selon la loi italienne, le dirigeant d’extrême droite encourt jusqu’à 15 ans de prison pour avoir refusé pendant 6 jours l’accès du navire de l’ONG espagnole Open Arms à un port italien proche de l’île de Lampeduza au large de laquelle il était mouillé, alors que la situation sanitaire des rescapés s’aggravait constamment. C’est pour moi très réconfortant de constater qu’il arrive parfois que des politiques soient confrontés aux conséquences néfastes de leur idéologie, spécialement concernant des tenants d’une politique aussi pernicieuse et spécialement dans le domaine humanitaire. Certes, d’autres dirigeants sont passés en justice, y compris en France, où plusieurs affaires mettent en cause l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, pour ne citer que lui, mais plusieurs faits donnent à ce procès de Matteo Salvini un caractère particulier. En premier lieu, je note la rapidité de la procédure. Un peu plus de 2 ans seulement se sont écoulés depuis les faits, quand le procès « Bygmalion » remonte à la campagne présidentielle de 2012, et que les recours ne sont pas tous épuisés, loin de là.

En deuxième lieu, ce procès de Matteo Salvini est exemplaire et original en ce qu’il est destiné à juger l’action de l’ancien ministre d’un point de vue idéologique, puisque c’est là la justification de l’attitude du mis en cause. Matteo Salvini, qui dirige le parti politique de La Ligue (anciennement du Nord), a agi « pour protéger l’Italie de l’immigration clandestine ». Alors que dans le passé on jugeait des politiques sur des délits qu’ils auraient commis, des lois qu’ils auraient outrepassées, de l’enrichissement personnel dont ils auraient bénéficié grâce à leur position, de corruption active ou passive, de trafics d’influence, et j’en oublie sûrement, c’est à présent leurs orientations et les décisions qui en découlent qui sont mises sur la sellette, et c’est à mon sens justifié. Des décisions politiques faisant fi de la plus élémentaire humanité, comme celles d’expulser purement et simplement tous les migrants actuels et à venir, et encore pire, tous ceux qui se sont installés depuis des années et contribuent à la création de la richesse nationale, comme le demande Éric Zemmour, sont ni plus ni moins que criminelles.