La ruée vers Cuba

François Hollande est le premier dirigeant européen à se rendre sur l’île de Cuba depuis près de 30 ans. Une visite que ne manquera pas de critiquer l’opposition, comme à l’époque où Danielle Mitterrand avait bravé l’intelligentsia en s’affichant aux côtés de Fidel Castro, à qui elle n’a jamais marchandé une amitié indéfectible. Des sentiments assez éloignés de ceux de François Hollande dont la visite semble plus guidée par des raisons économiques, bien que les relations commerciales entre les deux pays soient assez modestes, ou par des considérations de géopolitique visant à une normalisation à l’échelle planétaire.

Depuis qu’Obama a entrouvert la porte à la reprise de relations diplomatiques avec Cuba, les entreprises américaines se bousculent pour tenter de reprendre pied dans ce paradis touristique, si proche des côtes américaines. Au point que les touristes canadiens s’en inquiètent et se dépêchent de revoir l’île dans son cadre original avant que l’invasion américaine n’en ait fait une nouvelle Floride, avec un développement de luxe standardisé qui en perdrait le charme de l’authenticité. Le risque existe d’un retour à la période qui a précédé la révolution castriste, quand Cuba servait de tripot géant et de lupanar aux riches Américains qui venaient dépenser leur argent sous le régime dictatorial de Batista. La colonisation serait naturellement un brin plus subtile, moins frontale, mais tout aussi réelle avec la prolifération des Mac Donald, des Wal Mart ou des Disneyland.

Le voyage de François Hollande à Cuba fait l’objet, comme c’est d’usage, d’injonctions contradictoires. Les uns lui demandent de défendre la liberté d’expression auprès d’un gouvernement dont les efforts de libéralisation sont encore timides, fusse au détriment d’avancées économiques, tandis que d’autres critiquent son déplacement s’il n’est pas couronné par l’obtention de contrats commerciaux comme c’est devenu la règle. La realpolitik devrait une fois de plus l’emporter : le président français fera sans doute une déclaration de principe sur les droits de l’homme et annoncera ses offres de service comme il se doit, sans grand espoir de retombées immédiates, ni dans un cas, ni dans l’autre.

À moins que l’Esprit saint qui semble s’être attardé sur la tête de Raul Castro ne réussisse à faire un miracle. Après tout, le très marxiste dirigeant cubain n’a pas exclu d’assister aux offices religieux lors de la visite du Pape prévue en septembre. Alléluia !