Soit je n’ai pas lu Todd

… soit je suis bête, l’un n’empêchant pas l’autre, d’ailleurs. À la première partie, je réponds sans hésiter par l’affirmative. Nul besoin de lire le bouquin d’Emmanuel Todd pour en avoir un aperçu substantiel du contenu, tant ce monsieur autosuffisant s’est chargé d’en assurer la promotion dans tous les médias possibles et imaginables, se permettant de râler par-dessus le marché quand Patrick Cohen et France Inter ne lui déroulaient pas suffisamment le tapis rouge, tout en dépassant allègrement son temps de parole, ce qui est au-delà de la plus élémentaire des corrections vis-à-vis des auditeurs.

 

L’argument du livre consiste donc à dénoncer un pseudo esprit Charlie qui servirait de paravent à une islamophobie des classes moyennes, le tout assaisonné de considérations sociologiques pour habiller une thèse partisane de démonstrations qui se veulent scientifiques, mais dont la méthodologie semble pour le moins discutable. Emmanuel Todd est conscient de ce que ses prises de position peuvent apparaître arrogantes, mais cela ne l’en dissuade pas, bien au contraire. Lui, il sait, c’est un intellectuel, et ceux qui ne le suivent pas n’ont simplement rien compris. La pique sur la bêtise s’adressait à Manuel Valls, coupable de ne pas avoir apprécié son texte à sa juste valeur. Sans partager la totalité des positions du Premier ministre, tant s’en faut, j’estime que je pourrais me trouver en plus mauvaise compagnie. J’ai quelque peine aussi à me désolidariser des quatre millions de citoyens qui sont descendus spontanément dans la rue le 11 janvier et qui ne m’ont pas parus être des abrutis complets doublés de racistes primaires, n’en déplaise aux besoins de la cause défendue par Emmanuel Todd.

Je ne dénie pas le droit à ce monsieur de défendre une thèse, même si je la trouve farfelue, encore que je trouve qu’on lui accorde une place excessive qu’il a probablement voulue en déclenchant la polémique, mais j’aimerais bien qu’il accorde la réciprocité à ses adversaires en ne les traitant pas de tous les noms. Il fait partie d’une intelligentsia détestable qui assène ses opinions comme des vérités d’évangile en ne supportant pas la moindre contradiction. J’aimerais assez un débat entre Todd et Finkielkraut, arbitré par Bernard Henri Lévy. Je crois que le combat du siècle entre les deux champions de boxe qui a eu lieu récemment serait relégué au rang d’aimable discussion de salon, par comparaison !