Une jupe très banale ?

L’incident a fait grand bruit dans Charleville-Mézières. Une jeune fille musulmane de 15 ans s’est vu interdire l’accès aux cours dans son collège parce qu’elle portait une jupe noire très longue, considérée comme un signe ostentatoire de son appartenance religieuse. Invitée à retourner se changer, la collégienne n’est pas revenue et a donc manqué deux jours d’école. Selon Sarah, abondamment photographiée sous toutes les coutures de la jupe, son vêtement est très banal, acheté 2 euros dans un supermarché vestimentaire et il n’a rien de religieux.

La blogosphère s’est enflammée pour la liberté de la longueur de la jupe, créant même pour l’occasion un mot dièse (oui, je sais, on dit hashtag en langage djeune) « je porte ma jupe comme je veux ». D’autres n’ont pas traîné à monter au créneau pour dénoncer une conception dévoyée de la laïcité, n’hésitant pas à assimiler cette mesure à de la discrimination religieuse et même à une chasse aux sorcières. Au passage, on peut noter une certaine contradiction dans les arguments employés pour défendre la jeune collégienne. D’un côté, la jupe serait considérée comme n’ayant aucune connotation religieuse, de l’autre son interdiction serait une atteinte à la liberté de culte. Précisons que Sarah porte également le voile islamique, mais qu’elle accepte, comme ses camarades, de l’enlever le temps des cours, pour le remettre à la sortie.

Le litige porte donc sur le caractère religieux ostentatoire de la fameuse jupe. La loi s’est refusée à faire un inventaire exhaustif de tous les signes qui devraient être interdits. Il reste donc une part d’appréciation subjective en la matière. Selon l’établissement, soutenu en cela par l’administration, le port de cette jupe serait un acte concerté destiné à contourner l’interdiction du voile, pour manifester son appartenance religieuse. Comme on le sait, la prescription coranique est basée sur le fait de dissimuler les parties du corps féminin jugées trop tentatrices, telles que les cheveux, mais aussi parfois le visage, les bras ou les jambes. Porter une jupe longue peut être une façon de montrer son attachement à cette prescription. Tout dépend en réalité de l’intention. Quand Dieudonné a inventé sa fameuse quenelle, ce n’était qu’un geste anodin, sans signification précise. Elle est devenue le symbole de l’antisémitisme et le signal de ralliement des révisionnistes et négationnistes de tous poils et est justement interdite pour cette raison. Aux dernières nouvelles, Sarah aurait accepté de se conformer aux règles du collège.