Katmandou, du rêve au cauchemar
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 29 avril 2015 10:50
- Écrit par Claude Séné
Pour ceux qui l’auraient oublié, ou qui n’étaient pas nés dans les années 60, la capitale du Népal a symbolisé longtemps le nirvana des hippies, l’endroit mythique où l’on pouvait mettre en pratique l’idéal de la « beat generation », dans un monde de paix et d’amour, avec l’aide non négligeable de substances illicites ailleurs, mais abondamment disponibles sur place. De même que les musulmans se doivent de tout tenter pour se payer une fois dans leur vie le pèlerinage à La Mecque, les adeptes de cette religion informelle mettaient tous leurs espoirs dans ce voyage, dont ils pensaient qu’il leur permettrait d’accéder à une expérience mystique et transcendantale.
La réalité était souvent assez différente de ce rêve. Les pèlerins arrivaient généralement dans un état de fatigue et de dénuement après un voyage épuisant en autostop. Leurs maigres économies fondaient rapidement et beaucoup d’entre eux étaient contraints de vendre leur sang pour subsister chichement et se payer la ration d’herbe dont ils devenaient rapidement dépendants. Je passe sur la prolifération de gurus plus ou moins authentiques dont les adeptes ne pouvaient plus se passer également.
Le Népal d’aujourd’hui est bien loin de cette image d’Épinal. Les trekkeurs ont remplacé les hippies et le tourisme est devenu la principale ressource du pays, grâce à la présence toute proche de l’Himalaya et l’attrait de l’Everest que les alpinistes du monde entier rêvent de gravir. La manne touristique ne leur a cependant pas permis de rattraper leur retard en matière de constructions antisismiques et le terrible tremblement de terre qui vient de frapper le pays en a été la malheureuse illustration. La réaction internationale de solidarité semble pour une fois à la hauteur de la catastrophe, et l’attitude de la France en particulier parait exempte de tout reproche. À l’exception d’un bémol que je finis par trouver exaspérant. Le bilan officiel du séisme s’établit actuellement autour de 5 000 morts et pourrait atteindre, à terme, les 10 000 personnes décédées, et le quai d’Orsay communique inlassablement sur les trois Français qui auraient trouvé la mort dans cette catastrophe, comme si leur vie comptait davantage que celle des Népalais ou des étrangers d’autres nationalités. C’est peut-être une réalité journalistique avec le fameux mort par kilomètre, mais c’est d’une indécence la plus cynique devant une population durement touchée et qui mérite toute notre compassion et toute notre aide.