Prenez-en de la graine

S’il y en a un qui ne rechigne pas à se présenter aux suffrages de ses concitoyens, c’est bien Noursoultan Nazarbaïev, brillamment réélu à la tête du Kazakhstan, avec la bagatelle de 97,7 % des suffrages. Et une participation record de 95,2 % s’il vous plait. De perfides observateurs ont considéré que le président avait voulu faire mieux que son homologue ouzbek, qui a dû, lui, se contenter de 90,4 % de votants, une misère. Il faut dire que ce cher Noursoultan est un habitué des scrutins. Il est à la tête de son pays sans discontinuer depuis son indépendance en 1991, et même avant, du temps de l’URSS.

Tant et si bien qu’il a fallu un aménagement de la constitution qui limite à deux mandats l’exercice de la fonction présidentielle. Qu’à cela ne tienne, une exception a été créée, rien que pour lui, parce qu’il le vaut bien, je suppose. Il faut dire qu’avec ce candidat, on n’est jamais déçu. En 2005, il obtenait déjà 91,15 % et en 2011, 95,55 % des voix. Évidemment, cela ne laisse que des miettes aux faire-valoir qu’il a tenu à laisser se présenter contre lui. Le plus beau, c’est que les mille observateurs étrangers, s’ils en sont persuadés, ne peuvent pas prouver la fraude électorale, qui seule peut expliquer un tel score. On ne peut guère compter non plus sur la presse, dont la situation est qualifiée de « difficile » par Reporters sans frontières, cependant qu’Amnesty International dénonce les brutalités policières et l’usage de la torture.

Du côté contre-pouvoirs, pas trop de soucis à se faire non plus pour le président à vie. Les députés sont élus au suffrage universel, et l’on voit bien tout le savoir-faire du pouvoir en la matière. Quant au Sénat, il est carrément nommé, directement ou indirectement, par le président. Si l’on ajoute à cela que les ressources en pétrole et en uranium font la richesse du pays en assurant une croissance moyenne de 6 % par an, on comprend que la seule limite au pouvoir présidentiel serait sa santé, un peu éprouvée à 74 ans, et la baisse récente des cours du baril.

Noursoultan Nazarbaïev est donc un dictateur des plus fréquentables et je ne doute pas du souhait de David Pujadas, après l’interview-choc de Bachar El-Asad, de décrocher un nouveau scoop en lui posant des questions bien pointues sur la démocratie. Vas-y, David !