Des chiffres (impairs) sans les lettres

Je suppose que vous avez sursauté comme moi quand vous avez été informés que Paris était la ville la plus polluée du monde, devant Shanghai, Londres, New Delhi ou Pékin pour ne citer que les plus connues. La nouvelle a été reprise partout, assortie ou non de commentaires, sur la foi d’une étude publiée par une officine qui s’est offert gratuitement un joli coup de publicité. Non que les chiffres soient faux. Ils ne sont simplement pas contextualisés. PlumeLabs a fabriqué un indice à partir des mesures existantes et compare les résultats de 60 grandes villes dans le monde, heure par heure.

Comme chacun l’a constaté, le nord de l’Europe a subi un épisode de pollution important, qui a touché Paris, mais aussi tout l’ouest de la France, du fait de la stagnation d’un anticyclone empêchant la dispersion des particules fines. Pour comparer les chiffres, les spécialistes s’accordent à dire qu’il faudrait un instrument de mesure commun et des observations portant sur des durées longues, de l’ordre d’une année au moins. Sur une échelle de ce type, 9 des 10 villes les plus polluées sont pakistanaises ou indiennes, alors que seule New Delhi figure dans ce palmarès.

Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas prendre au sérieux les menaces de pollution. La France dispose d’un outil fiable, AirParif, qui informe les autorités au jour le jour en diffusant des bulletins d’alerte. Pour l’heure, la seule mesure prévue, et qui a été utilisée hier, consiste en la circulation alternée et son corollaire de gratuité des transports en commun. Moyennant une mobilisation massive, on ne réduit que de 15 à 20 % les émissions de particules fines liées à la circulation. Cela ne touche en rien les autres sources, beaucoup plus importantes : la pollution industrielle ou agricole, contre lesquelles il n’y a pas d’action. Sans compter que les particules n’ont pas plus de frontières que n’en avait le nuage de Tchernobyl. Pour diminuer de façon décisive la pollution, il faudrait une concertation au niveau mondial. La conférence sur le climat qui se tiendra à Paris pourrait être l’occasion d’aborder le sujet, mais les enjeux sur le réchauffement climatique seront prioritaires et les objectifs déjà bien difficiles à tenir.

En attendant, la pollution est redescendue d’un cran en région parisienne et la circulation est de nouveau autorisée pour tous les véhicules, jusqu’à la prochaine alerte.