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Comediante tragediante
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 29 mai 2020 10:54
- Écrit par Claude Séné
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En piste ! en piste ! les artistes ! Tu vis, tu pleures, tu ris, tu meurs… Comediante, tragediante ! Pendant plusieurs années, c’est sur ce texte, accompagné d’une musique de cirque, que Guy Bedos faisait son entrée sur scène. Il tournait en rond comme s’il foulait la sciure d’un chapiteau, en éternel Monsieur Loyal. Loyal, il l’était. À ses convictions, à sa conscience de gauche, même si parfois il considérait qu’il fallait châtier ceux qu’il aurait voulus irréprochables. Moi qui ne sors pas beaucoup, le spectacle annuel c’était souvent le sien.
On venait pour retrouver les textes des sketches, ciselés par ses vieux complices, mais aussi pour son regard acéré sur l’actualité. Il lisait et commentait sur scène les journaux locaux ou nationaux : « France-soir, un journal à grand tirage, donc parfait pour allumer le feu, grâce auquel on peut avoir en même temps la nausée et les mains sales ». Il aimait être taquin avec les puissants, comme Giscard d’Estaing, qu’il surnommait le bijoutier à cause des diamants offerts par Bokassa. Il a dû se réjouir de son dernier pied de nez. En mourant hier, il a volé la vedette au Premier ministre, qui avait pourtant de bonnes nouvelles à annoncer, ce qui n’arrive pas si souvent. Un peu comme la disparition d’Édith Piaf avait relégué au second plan celle de Jean Cocteau, ou Johnny Hallyday celle de Jean d’Ormesson.
Je ne ferai pas ici l’éloge funèbre de Guy Bedos. Je serais nécessairement beaucoup moins brillant et beaucoup moins drôle que Pierre Desproges, qui a eu la bonne idée de la prononcer du vivant de son ami en 1986 lors d’une émission de divertissement à la télévision. Et devinez qui était là, pour l’écouter ? Jean-Loup Dabadie, disparu il y a quelques jours lui aussi. Alors, là, je dis : « halte au feu ! » ça devient insupportable. Dabadie ? Présent ! Vlan ! suivant ! Bedos ? Présent ! Vlan ! ça suffa comme-ci. J’en ai marre de tendre l’autre joue. Bon, autrefois, il n’y avait que des gens beaucoup plus vieux que moi qui mouraient et c’était déjà dur, mais là ça devient impossible. 85 ans, c’est la force de l’âge. Comme chantait Brel à son ami Jojo, trop tôt disparu, il ne manque pas de plus cons que lui, mais qui sont mieux portants. Les gens qu’on aime ne devraient pas mourir. D’une certaine façon, ils ne meurent pas d’ailleurs. Je garderai entre autres l’image de cet Arturo Ui, dont il avait voulu incarner la résistible ascension dans la pièce de Brecht. Comme beaucoup d’humoristes, il souhaitait être reconnu pour ses qualités de comédien sans être assigné à la résidence de son talent comique, indiscutable. Comediante, tragediante…
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