Asservis volontaires

Ceux qui me connaissent savent que je n’ai rien d’un technophobe. Je pense avoir été parmi les premiers à utiliser les ancêtres des téléphones dits intelligents, sous forme d’assistants électroniques permettant de gérer calendriers et rendez-vous et même de se situer grâce au système de satellites géostationnaires, le fameux GPS, dont on ne saurait plus se passer. Et cependant, je suis plus que circonspect sur le déploiement de l’application stop-covid, supposée nous aider à lutter contre la propagation de l’épidémie en nous alertant sur la proximité de personnes infectées avec lesquelles nous pourrions avoir été en contact.

Car il y a, dans la façon d’accommoder la technologie, la même ambivalence que dans la langue à la sauce Ésope, qui peut être, comme chacun sait, un met succulent tout comme un infâme brouet. Si l’on en croit ses promoteurs, toutes les protections ont été mises en place pour éviter que les données personnelles recueillies ne puissent être détournées et utilisées de façon malveillante ou commerciale. Ça, c’est le vœu pieux. En pratique, les spécialistes sont en train de traquer les failles de sécurité inévitables et ne pourront pas les éradiquer en totalité. Pendant un temps, la société Zerodium payait les découvreurs de failles sur les Iphones, mais elle a dû y renoncer, car il y en avait trop. La commission nationale informatique et liberté a certes rendu un avis favorable, mais n’a pas été unanime sur le sujet. De la même façon, les députés et les sénateurs ont voté en faveur de cette application, mais à une majorité relative.

Les arguments pour rassurer les sceptiques tels que moi sont plutôt inquiétants. L’application sera placée sous la sauvegarde de l’état et non pas de sociétés commerciales telles que Google et Apple comme envisagé un temps. Bizarrement, les précédents dans les pays asiatiques ne m’incitent pas à une confiance aveugle pour autant. Au contraire, on voit fleurir les instruments de contrôle des individus de façon de plus en plus foisonnante. Les caméras de surveillance sont à tous les coins de rue. Les contrôles de température sont devenus monnaie courante. Le flicage numérique est partout et se banalise au point de ne plus se remarquer. Que tous ces instruments soient installés avec l’accord de la population n’exclut pas le risque qu’ils tombent en de mauvaises mains. Dans la fable, le chien, domestiqué, ne prête plus aucune attention au collier qu’il doit porter en échange de ses bons et loyaux services pour lesquels il reçoit une pitance abondante, mais le loup remarque vite la pelade dont son cou porte le stigmate, témoignage de son indépendance perdue et de sa soumission. La partie est cependant loin d’être jouée. Il reste à savoir combien de Français, et notamment dans la population dite à risque dont je fais partie, auront envie de se doter de cette sorte de collier électronique en période de semi-liberté.

Commentaires  

#1 jacotte86 28-05-2020 10:59
pas moi...
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