Explication de texte

« On a sans doute fait une erreur dans la stratégie ». Voilà une phrase admirable énoncée par le président de la République au cours de sa visite surprise à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière lors d’un échange tendu avec des infirmières et des médecins, plutôt remontés contre lui. La presse, qui n’avait pas été invitée, a voulu y voir une forme de mea culpa, ce qui est peut-être ce que voulait Emmanuel Macron, mais qu’une analyse, même sommaire du propos, tendrait à contredire.

Vous remarquerez que dans cette formule, le président n’emploie pas le « je », dont il n’est généralement pas avare, ni même le « nous » qui l’inclurait dans une responsabilité collective, mais le pronom indéfini « on », qui permet d’entretenir le vague et le flou, sans préciser qui fait partie de ce « on », dont « on » a pu dire, à juste titre, qu’il était un con. L’imprécision voulue de la locution permet au Président de s’inclure ou de s’exclure du propos, selon les évènements, et de dire sans dire, puisque ses déclarations sont officieuses. Pour un peu, il pourrait nier les avoir tenus, s’il n’avait pas fait en sorte que le ministre de la Santé filme la scène sur son téléphone portable. On est très loin de la pratique monastique où les religieux devaient avouer publiquement leurs fautes en se frappant la poitrine, ce que l’on appelait « battre sa coulpe ». Cette erreur, reconnue du bout des lèvres, n’est donc pas nécessairement de son fait, et n’a été commise que de façon hypothétique comme l’indique le « sans doute », un faux ami qui signifie qu’il y a bel et bien un doute sérieux sur l’authenticité du sujet. Et, à supposer que tout cela soit avéré, et que le plan « hôpital » n’était pas à la hauteur des besoins, ce n’était pas pour autant une mauvaise mesure, mais une « super stratégie ». Voilà donc que la petite faute, la peccadille, se transforme en coup de génie, arrivé trop tardivement pour réparer les bévues de ses prédécesseurs.

J’imagine assez bien ce que l’impétrant Macron devait indiquer lors des questionnaires d’embauche quand on demande traditionnellement au candidat son principal défaut : « euh, un peu trop perfectionniste, peut-être ? ». En l’occurrence, il aurait mieux fait d’éviter de rappeler son fameux plan, que tout le monde a déjà oublié devant l’ampleur de la crise sanitaire, et qui n’apportait qu’une mauvaise réponse technocratique à des difficultés déjà criantes qui n’ont fait que s’amplifier. Il est trop facile de parler d’erreur quand on est aux responsabilités. Dans le domaine de la Santé, personne n’a droit à l’erreur, car elle se paye cash. Emmanuel Macron, contrairement aux patients de l’hôpital, a une 2e chance. Il ne peut pas se permettre de la gaspiller.