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Ce pourrait être le titre que donnerait un nouveau George Orwell à un roman d’anticipation qui se déroulerait dans 35 ans, tout comme 1984 représentait en 1949 un futur à la fois proche et distant. 1984 est advenu et la société imaginée par Orwell ne s’est pas concrétisée, du moins sous la forme qu’il avait prévue. Est-ce à dire que nous avons échappé définitivement au spectre d’une dictature totalitaire dans laquelle chaque citoyen serait l’objet d’une surveillance continue ? Rien n’est moins sûr. J’en veux pour preuve le projet de loi qui va être présenté aujourd’hui même en Conseil des ministres, visant à renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme.

Au moment où la Tunisie est cruellement frappée par un attentat meurtrier au musée du Bardo, faisant 19 morts et 42 blessés, il est difficile de résister à l’idée que l’on doit tout faire pour éviter ces actes barbares et la tentation est grande de limiter les libertés individuelles si c’est le prix à payer pour stopper le terrorisme. Si le projet aboutit, les services de renseignement pourront surveiller les agissements de qui bon leur semble sur une simple autorisation administrative, sans avoir besoin de recourir à un juge comme c’est le cas pour l’instant. Ils pourront poser des mouchards dans les voitures ou les appartements, intercepter les communications téléphoniques ou électroniques, infiltrer les ordinateurs et surveiller les activités de chacun. Tant que ces pratiques intrusives ne concernent que des criminels avérés ou des terroristes patentés, nous pourrions les trouver acceptables, mais nous n’aurons aucun moyen d’en être certains. Toute personne suspectée d’être un activiste, c’est-à-dire potentiellement n’importe qui, pourra faire l’objet de cette surveillance rapprochée.

Il se posera également la question épineuse de la confidentialité. Toutes ces données rassemblées sur les citoyens espionnés seront-elles archivées ? Ne risque-t-on pas les mêmes dérives que pour les fichiers de la police et de la gendarmerie ? Enfin, et ce n’est pas le moindre des soucis, ce dispositif serait-il vraiment efficace ? On se rend compte après coup que les auteurs des attentats avaient généralement été confrontés aux services de la DCRI, qui n’avaient pas su détecter leur dangerosité. Nous avons aussi l’exemple du Patriot act américain, qui a visiblement inspiré le projet français et qui n’a pas permis d’éviter l’attentat de Boston. Prenons garde à ne pas créer les conditions d’un état policier sans pour autant assurer notre sécurité.