Un jeu d’enfant
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 15 août 2019 10:27
- Écrit par Claude Séné
La nature a horreur du vide. C’est du moins ce que la tradition nous a transmis depuis Aristote ou Blaise Pascal qui n’a pas fait que des paris stupides. J’ajouterai, en toute modestie, naturellement, qu’elle a de nos jours surtout horreur du vide juridique. Sinon, comment expliquer qu’en l’espace de quelques mois, voire de quelques années, un jeu destiné à l’origine aux enfants soit devenu un véritable fléau dans nos grandes métropoles et menace de gagner nos campagnes ? À Paris, la trottinette est en passe de détrôner les crottes de chien comme nuisance principale à l’égard des malheureux piétons survivants.
Vous me connaissez. Je ne suis pas un acharné de la réglementation sur tous les sujets, mais il me semble qu’une limite a été franchie, et que le sans gêne et l’appât du gain ont permis l’instauration d’un grand n’importe quoi. Sous prétexte que les trottinettes électriques n’ont pas encore fait l’objet d’une réglementation spécifique dans le Code de la route, chacun se croit autorisé à circuler où et quand ça l’arrange, à la vitesse qui l’amuse, puis à abandonner son jouet sur la voie publique, de préférence en travers des trottoirs, de manière à gêner, et le mot est faible, un maximum de ses contemporains qui ne demandent qu’à marcher en paix. Tout se passe comme si, en la matière, tout ce qui n’est pas expressément interdit serait tout à coup devenu autorisé, au mépris des règles les plus élémentaires d’une vie en société. Il me semble que l’on se trouve en présence d’un cas typique où la liberté individuelle empiète sérieusement sur celle de ses concitoyens, spécialement ceux, les plus fragiles, qui ne pourront jamais accéder à ce moyen de locomotion : jeunes enfants, personnes âgées ou handicapées.
Certains inconscients mettent leur propre vie en danger, comme ce conducteur de trottinette électrique percuté par une moto sur l’autoroute A86 alors qu’il roulait à 85 km/h, de nuit, et qui est décédé des suites de la collision. Faudra-t-il créer une nouvelle catégorie de véhicules : les Objets Roulants Non Identifiés qui seront autorisés à faire exactement ce qui leur passera par la tête ? Si l’on peut gagner de l’argent avec, pourrons-nous remettre en service les voitures à pédale, équipées d’une assistance électrique pour booster les performances ? Si cela nous amuse, allons-nous inventer une toupie géante, à l’intérieur de laquelle nous mettrons un siège, et dont la trajectoire imprévisible mettra du piquant dans la circulation urbaine à défaut de permettre des déplacements programmés ? La bêtise humaine n’ayant d’égale que la recherche du profit maximal, rien ne saurait plus m’étonner en la matière.
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