Bas les masques !

On croyait Nathalie Loiseau la seule et dernière politique à croire que l’on pouvait garder secrètes des conversations « privées ». Ses propos sur ses futurs collègues européens n’ont sans doute pas été étrangers à ses résultats médiocres aux dernières élections. Benjamin Griveaux pourrait payer ses déclarations récentes d’un échec dans des municipales réputées imperdables à Paris. Les dernières élections imperdables concernaient Alain Juppé et la présidentielle. On sait ce qu’il en est advenu, après l’entêtement de François Fillon à vouloir représenter son camp, contre tout bon sens.

Donc, Benjamin Griveaux a cru pouvoir traiter ses concurrents et néanmoins collègues d’abrutis. Car pour ce personnage qui se veut sympathique et souriant, toute personne qui brigue la mairie de Paris, à part lui, bien entendu, ne peut qu’être assimilée à un imbécile et une brute épaisse. Encore qu’il semble faire des degrés entre ses rivaux. Il décerne un brevet d’intelligence à Cédric Villani, qui a quand même obtenu la médaille Fields, équivalent du prix Nobel pour les mathématiques, quand lui a raté l’ENA. Mais c’est pour mieux l’enfoncer sur son inexpérience politique. À l’inverse, il qualifie son collègue de parti, Hugues Renson, du sobriquet affectueux de « fils de pute » (en français dans le texte), pour le distinguer, je suppose, des abrutis « de base », comme Mounir Mahjoubi. Son langage n’est pas moins fleuri quand il évoque le candidat d’Agir, mouvement fondé par des transfuges des Républicains, dont le chef de file, Franck Riester, a touché les trente deniers de sa trahison en étant nommé ministre de la Culture. Selon Benjamin Griveaux, il tiendrait ainsi Pierre-Yves Bournazel par les couilles (sic).

Au passage, ces confidences bien imprudentes, en dehors de lui attirer l’inimitié durable de ses rivaux évincés, vont tordre le cou à une fable et dévoiler un secret de Polichinelle sur les procédures « démocratiques » en vigueur à la République en marche. La commission d’investiture n’a visiblement rien à refuser au président de la République, qui avait fait son choix depuis longtemps et n’en avait pas fait mystère auprès du chouchou de la première heure. Cette histoire d’abrutis me fait penser à cette lettre A que les conducteurs débutants doivent apposer à l’arrière de leur véhicule pour prévenir les autres usagers de la route de leur inexpérience et les exposer à la maréchaussée s’ils ne respectent pas les limitations de vitesse auxquelles ils sont astreints. Je sais que ce A est l’initiale d’apprenti, mais j’ai toujours eu tendance à penser que ce pourrait aussi bien désigner autre chose. À voir le comportement de Benjamin Griveaux et la kyrielle de foutus débutants qui composent le parti présidentiel, il ne serait pas inutile de les contraindre à porter un signe distinctif.