Liberté d’expression

C’est en son nom que quatre millions de Français sont descendus dans la rue pour attester qu’ils soutiendraient le droit de chacun à dire ou à dessiner ce qui correspond à leur opinion après que les caricaturistes de Charlie Hebdo aient payé de leur vie l’exercice de cette liberté. Parmi ces manifestants, tous, loin de là, ne partageaient pas les idées des humoristes, que ce soit sur la société, la politique ou la religion. Ils étaient là pour le principe.

 

Mais liberté d’expression n’empêche pas respect de la loi. C’est pour l’avoir contournée, en toute connaissance de cause, que l’ex-humoriste Dieudonné doit comparaitre à nouveau devant un tribunal pour apologie du terrorisme, à cause d’un tweet où il déclare « je suis Charlie Coulibaly », mélangeant volontairement victimes et bourreau, comme si toutes les opinions se valaient. Un tel discours est repris par certains esprits faibles, qui prétendent que seules certaines opinions ont le droit de s’exprimer dans notre société alors que d’autres sont réprimées. C’est qu’ils ne font pas la distinction entre liberté d’expression et comportement délictueux.

Marine Le Pen, qui apporte un soutien inattendu à la communauté juive de France, s’interroge sur les limites qu’il conviendrait de fixer à la liberté d’expression. Elle ignore visiblement que cette liberté est déjà encadrée. Comme l’a rappelé fort justement Michel Sapin, l’antisémitisme n’est pas une opinion, mais un délit. Il en va de même du racisme en général. Dans le cas particulier de Dieudonné, son spectacle a été interdit a priori parce que son texte en était publié et tombait clairement sous le coup de la loi. En dehors de cela, il garde la liberté de donner son opinion, à ses risques et périls, naturellement. Comme n’importe quel autre citoyen, il peut être poursuivi en justice pour les propos tenus en public, qu’ils soient racistes ou diffamatoires, ou qu’ils soient négationnistes ou révisionnistes comme son ami Faurisson, ou encore qu’ils incitent au terrorisme ou à la haine. Il ne sert de rien dans ce cas de s’abriter derrière un prétexte humoristique, dont la drôlerie tend à s’approcher de zéro. Je soupçonne Marine Le Pen de vouloir utiliser la réprobation généralisée pour s’acheter une respectabilité de façade tout en se réservant de limiter les libertés individuelles si par malheur elle accédait au pouvoir. Mais j’ai sûrement mauvais esprit.