En confiance

C’est sur cette formule énigmatique que se termine la « lettre aux Français » du président de la République sans qu’il soit possible de discerner s’il s’agit de la confiance attribuée au peuple par le chef de l’état, ou celle qu’il se suppose acquise de sa part, à mon avis bien à tort. Je vous renvoie à ce sujet au billet que mon invitée du dimanche lui a consacré il n’y a pas si longtemps, ici même*. Comme chacun le sait, la confiance ne se décrète pas, elle se mérite, elle se construit ou elle se gagne. Et pour Emmanuel Macron, il y a du boulot.

La coïncidence est trop forte pour être totalement fortuite. Au moment où le président s’apprêtait à écrire aux Français paraissait l’étude annuelle du CEVIPOF destinée à mesurer l’évolution de la confiance des citoyens à l’égard des institutions. Le sondage, effectué en décembre en pleine crise des gilets jaunes, reflète bien évidemment le climat social du moment et montre un niveau historiquement bas de l’état d’esprit de la population. Le discrédit s’étend à toute la classe politique, qui inspire le dégout à près d’un Français sur trois. Seuls les maires échappent à ce sentiment de défiance profonde, probablement parce que la plupart ne revendiquent aucune étiquette. D’ailleurs, à peine un peu plus de la moitié des personnes interrogées considère que les élections sont un bon moyen d’obtenir satisfaction, alors que presque autant privilégient la manifestation de rue. C’est bien ce qu’il s’est passé récemment en effet. Globalement, la démocratie ne fonctionne pas bien pour 70 % des Français. Seuls 23 % accordent encore leur confiance au président en tant que fonction et 20 % à Emmanuel Macron en tant que personne. Un viatique qui a fondu de 16 points en un an et qui parait bien maigre pour tenir jusqu’au terme du quinquennat.

Si les Français sont méfiants à l’égard des politiques, ils ne le sont guère moins envers les journalistes. Il est devenu difficile, voire impossible, de « couvrir » les manifestations devant la détestation qu’inspire tout ce qui ressemble à un micro ou une caméra. Les reporters de BFMTV ou de LCI sont devenus la cible privilégiée des plus violents des manifestants, et la chasse aux journalistes a pris un tour inquiétant. Notre société a besoin de ces voix, de cet esprit critique, de ces analyses pour dépasser la brutalité des faits, la dictature de l’émotion. Que l’on songe à tous ces pays où l’expression démocratique est impossible. Pour mériter la confiance des lecteurs ou des téléspectateurs, il y a certes des progrès à faire, notamment sur la pluralité des opinions et sur l’indépendance éditoriale, mais ce n’est pas en désignant la presse comme le bouc émissaire que l’on fera avancer la démocratie.

 

*Recherche confiance désespérément