Le signal-prix

En ce premier jour de cette nouvelle année, pardonnez-moi de vous entretenir d’un sujet trivial formulé dans cette langue étrange que n’utilisent guère que les intellectuels technocratiques. Et pourtant, il s’agit de notre porte-monnaie et cela concerne donc notre vie quotidienne. J’entendais ainsi, pas plus tard qu’hier, une économiste distinguée s’affliger de l’abandon forcé de la fiscalité dite écologique frappant les carburants, qui devait s’appliquer à compter d’aujourd’hui et qui a déclenché le mouvement de protestation des gilets jaunes. Selon son raisonnement, plus le carburant est cher, moins les gens roulent, ce qui est bon pour l’écologie.

Le calcul est imparable, il y a même une formule mathématique pour évaluer la baisse de consommation, qui serait la moitié du renchérissement : pour 10 % de hausse du prix, on aurait 5 % de consommation en moins. Cette belle mécanique se heurte toutefois à une observation de simple bon sens, qui veut que tous ne sont pas égaux devant ce renchérissement et que cette dépense, contrairement au tabac ou à l’alcool, eux aussi taxés pour notre plus grand bien, est largement contrainte. Par-dessus le marché, les Français savent pertinemment que ce qu’ils paient, c’est essentiellement un impôt déguisé par le biais d’une taxation confiscatoire et que c’est l’état le grand bénéficiaire de l’augmentation, encore plus que les compagnies pétrolières qui se servent pourtant largement au passage. Il ne dépendrait donc que des dirigeants de répartir différemment les sources de revenus indispensables au bon fonctionnement de la nation.

Autre grain de sable, et non des moindres : le plein du quatre quatre d’un citoyen fortuné, même s’il revient au double ou plus de celui qui roule en Twingo par nécessité, représentera un pourcentage plus faible de ses revenus que celui d’un smicard. La hausse le laissera donc de marbre, contrairement au plus pauvre, contraint de rogner sur une autre dépense, généralement l’alimentation, pour s’en sortir, car il ne peut éviter de rouler. Vous pensez bien que ces considérations n’ont pas échappé à notre remarquable économiste, qui affirme qu’il suffit d’expliquer aux intéressés que tout l’argent supplémentaire versé par le truchement de la pompe d’essence sera bien utilisé pour sauver la planète, et accessoirement de subventionner les plus pauvres pour qu’ils puissent quand même acheter un peu de ce précieux liquide afin d’aller trimer pour une société de plus en plus injuste. Quand on sait que de nombreux Français ne réclament pas les aides sociales auxquelles ils ont pourtant droit, par ignorance parfois, mais également par fierté, c’est tout bénéfice pour un pouvoir qui ne cesse de jongler avec l’argent public sans vouloir voir qu’il y a des personnes derrière les statistiques. Bonne année quand même !