Nuit et brouillard

Le 27 janvier 1945 est la date retenue officiellement pour la libération des camps nazis et nous en célébrons donc le 70e anniversaire. L’occasion d’entendre « en vrai » et en direct les derniers survivants, à double titre, ceux qui ont eu l’énergie et la résistance de survivre aux épreuves subies pendant leur captivité et qui ne sont pas décédés par la suite, comme tout être humain. Leur nombre est nécessairement restreint et le deviendra de plus en plus, ainsi va la vie.

Pourtant leur témoignage est primordial et beaucoup d’entre eux continuent à aller à la rencontre de lycéens pour leur raconter la barbarie des camps et leur solidarité pour y résister. Je suis persuadé que quiconque a entendu leur récit ne peut plus regarder l’histoire d’une façon détachée et en retiendra le message pour le restant de ses jours. J’ai encore en tête le film documentaire d’Alain Resnais, Nuit et brouillard, que j’ai dû voir quand j’avais une douzaine d’années, et dont les images des vivants et des morts restent gravées dans ma mémoire. Je suis d’autant plus stupéfait d’apprendre que 10 % des jeunes Allemands ne connaissent pas l’histoire de l’extermination des Juifs par les nazis et que des agences de voyages organisent des séjours de détente à Auschwitz, cependant que des inconscients prennent des selfies sous le célèbre portail du camp où « le travail rend libre » avec la cheminée du four crématoire en arrière-plan.

On a beaucoup glosé sur le manque de conscience politique des jeunes, en particulier dans les quartiers dits difficiles. Sans jouer les anciens combattants, un film comme celui de Resnais en apprend plus sur la vie et les rapports humains que tous les cours de morale républicaine que l’on s’apprête à ressortir des cartons. J’aurai un choc similaire en regardant quelques années plus tard, le documentaire de Frédéric Rossif sur la guerre civile espagnole, « Mourir à Madrid », ou le film de René Vautier sur la guerre d’Algérie, « Avoir vingt ans dans les Aurès », sans compter les lectures comme celles de « L’étranger », d’Albert Camus ou « La condition humaine » d’André Malraux.

La solution, encore et toujours, c’est la culture. Que l’on y inclue des formes nouvelles comme la poésie redécouverte par le slam ou les arts plastiques réinventés par le street art, la culture reste le meilleur moyen, si ce n’est le seul, de lutter contre la barbarie.