La forteresse assiégée

Vous ne vous en étiez peut-être pas aperçus, mais la République vient d’échapper de justesse à un coup d’État larvé, justement dénoncé par les ténors de la REM, pour qui l’audition d’Alexandre Benalla par la commission sénatoriale s’apparentait à une tentative de destitution du président de la République, rien de moins. La première contrattaque venait du président lui-même, contraint de se fendre d’un rappel à l’ordre à l’égard du président du Sénat, le paisible Gérard Larcher, soupçonné de vouloir mettre le pays à feu et à sang en outrepassant largement ses droits à des fins politiques.

Christophe Castaner, ancien ministre chargé des relations avec le parlement, en avait remis une couche en accusant les sénateurs de vouloir un « impeachment » à la française. Jusqu’à la ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, qui croyait de son devoir, toutes affaires cessantes, de mettre en garde le Sénat contre le risque « d’empiétement sur le domaine judiciaire ». Bigre ! Heureusement, après la panique et l’improvisation des premiers jours, l’exécutif a recouvré son sang-froid et s’est mis en demeure de gérer plus calmement la situation. Exit l’attitude bravache du héros malgré lui de cette séquence désastreuse, le Monsieur sécurité de l’Élysée, ramené au rôle plus modeste de chargé de mission, dûment chapitré et super entraîné à répondre « avec la plus grande précision » aux questions des sénateurs, même les plus embarrassantes. Et à l’arrivée de ce parcours d’obstacles, c’est un sans-faute. Alexandre Benalla n’a pas fait tomber la moindre barre. On ne sait pas qui il faut féliciter le plus : le cavalier Macron ou la monture.

On a quand même eu chaud. Il faut dire qu’après à peine plus d’un an de présidence Macron, c’est déjà une ambiance de fin de règne. Après Nicolas Hulot et Laura Flessel, c’est Gérard Collomb qui annonce son prochain départ : bonne nouvelle pour l’Élysée (?) mauvaise nouvelle pour les Lyonnais. Apparaissent aussi les premiers signes de fracturation de la majorité présidentielle avec la défection de la députée Frédérique Dumas, passée avec armes et bagages à l’UDI, pour cause de désaccords profonds sur le fond et sur la forme, évoquant même le Titanic. Personnellement, c’est une autre image qui me vient, celle de Fort Alamo, où les assiégés texans, retranchés dans leurs fortifications, ont fini par être massacrés par l’armée mexicaine. Ou alors, la présidence Macron nous joue un remake d’un autre western, avec cette fameuse veillée d’armes de Rio Bravo, et l’on s’attend à entendre Dean Martin chanter « My rifle pony and me ». Pour mémoire, dans Rio Bravo, c’est une équipe de bras cassés qui tient tête à une troupe de bandits de grand chemin. Un bon film, mais une morale douteuse.