Un coupable parfait

Le scénario semblait avoir été écrit sur mesure. La cyber attaque contre Sony ne pouvait provenir que d’une seule source : la Corée du Nord dont le dirigeant dictateur était tourné en dérision par un film satirique, The interview, dans lequel Kim Jong-un était ridiculisé. Derrière le groupe de hackers qui se baptisaient GOP, guardians of the peace, se profilait inévitablement l’ombre de Pyongyang.

 

Le résultat de cette menace accréditait la thèse quand les studios hollywoodiens décidaient de ne pas sortir le film, puisque les exploitants de salle, craignant pour leurs installations, ne souhaitaient pas le diffuser. Le point d’orgue était atteint quand le président Obama en personne désignait la Corée du Nord à la vindicte populaire, en promettant des représailles. Comme par hasard, le pays était victime d’une panne générale privant les Coréens d’accès à Internet pendant plusieurs heures.

Toutes proportions gardées, on peut se demander si les États-Unis ne nous refont pas le coup de l’Irak. Selon eux, la Corée du Nord disposerait de plusieurs milliers de pirates informatiques, la troisième puissance dans ce domaine, un peu comme l’armée de Sadam Hussein, soi-disant la cinquième du monde. Quant aux preuves de l’implication du pays, on les attend encore. Sans oublier que la Corée du Nord ne possède pas les infrastructures de serveurs nécessaires à son autonomie et dépend donc de la Chine, leur alliée dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres.

Sans que cette hypothèse soit avérée pour l’instant, les spécialistes évoquent la piste d’une employée de Sony, licenciée en mars, qui possède les connaissances et les compétences nécessaires et qui aurait pu vouloir se venger. Sans affirmer que les accusations ont été forgées de toutes pièces, on constate aujourd’hui que le film, très médiocre, sera finalement distribué et qu’il a bénéficié d’une publicité bien supérieure à des productions autrement plus intéressantes. Il est déjà en tête des téléchargements sur les plateformes, et son succès commercial semble garanti. Cette contre-attaque médiatique a aussi le mérite d’estomper l’effet désastreux d’une major compagnie obligée de se soumettre au diktat d’une poignée d’activistes. Et le dictateur asiatique restera le méchant idéal, celui que l’Amérique adore détester.