Traduction, trahison ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 17 décembre 2014 10:56
- Écrit par Claude Séné
Allons bon ! Voilà qu’il faut se mettre à l’italien parlé, lu, écrit, pour suivre l’actualité française, pourtant déjà bien fournie dans la langue de Molière, si l’on peut qualifier ainsi le charabia qu’emploient certains journalistes. Et c’est donc Jean-Luc Mélenchon, auquel on ne connaissait pas ce talent de polyglotte, qui s’y est collé en relevant dans le Corriere della sera une interview d’Éric Zemmour où il revient sur la question de « l’islamisation » supposée de la France.
On sait que Zemmour n’y va pas avec le dos de la cuiller. Il y a peu, il n’hésitait pas à évoquer « la guerre civile avec les Républiques islamiques des banlieues françaises… comme une possibilité très sérieuse ». Cette fois, il est question de la déportation de 5 millions de musulmans, que Zemmour qualifie d’irréaliste. Petit problème, Éric Zemmour affirme que ni lui ni le journaliste italien n’auraient employé le mot déportation. Zemmour affirme que l’interviewer l’a lui-même reconnu. Alors quoi ? Une erreur de traduction ? N’écoutant que mon courage, je me suis plongé dans l’article original avec mes faibles notions d’italien. À moins d’un faux ami, l’ambiguïté n’est pas de mise. C’est le journaliste qui lui demande ce qu’il propose, en suggérant le verbe « deportare », qu’on ne peut guère traduire autrement que par déporter. Et si la question était différente dans la forme, sinon dans le fond, pourquoi Zemmour aurait-il répondu en évoquant le retour des « pieds noirs » d’Algérie ?
On comprend que le mot gêne Zemmour, puisqu’il est associé au génocide des Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale, un crime contre l’humanité et contre sa communauté puisqu’il se définit lui-même comme un juif d’origine berbère. En revanche, le fait ne le dérange apparemment pas, puisque l’expulsion des musulmans lui parait « irréaliste », mais ni inconcevable, ni inopportune. Quand Zemmour parle de guerre civile, ce n’est pas pour l’empêcher, mais pour souffler sur les braises tout en déversant de l’huile sur le feu. Ses attaques incessantes et répétées contre la communauté musulmane ne peuvent aboutir qu’à renforcer les sentiments identitaires des uns et des autres et à exacerber les antagonismes. On peut comprendre l’interrogation de l’Observatoire national contre l’islamophobie, qui se demande ce qu’attendent les pouvoirs publics pour mettre fin à ces incitations permanentes à la haine raciale.