Marché de dupes

La visite d’état d’Emmanuel Macron au Royaume-Uni se déroule officiellement à merveille, malgré le fait que le Brexit a, quand même, acté une distance entre la France et son meilleur ennemi héréditaire. Le président français et le Premier ministre anglais ont trouvé un terrain d’entente sur un sujet dont on espère que nos deux pays n’auront pas à se servir, celui de la dissuasion nucléaire. Ils ont convenu qu’en cas de besoin, nous coordonnerions nos processus de décision afin de joindre nos forces et accroître le potentiel de chacun de nos pays. Cela semble tomber sous le sens, mais s’il est préférable de le préciser, j’y souscris volontiers.

Nous avons aussi un sujet de potentiel désaccord sur la participation respective au budget européen qui a disparu. Le Royaume-Uni pourrait même, progressivement, passer des accords avec l’Union européenne, et se désancrer du parrainage parfois encombrant des États-Unis, surtout quand ils sont dirigés par Donald Trump. Reste la délicate question de l’immigration clandestine, qui est peu et mal gérée depuis la nuit des temps. Des accords ont été passés entre les deux pays pour confier la régulation des flux migratoires à la France, moyennant une participation financière du Royaume-Uni. Une formule qui ne satisfait aucune des deux parties. Les migrants sont bloqués par la Manche, qu’ils tentent de traverser dans les conditions que l’on sait, et qui séjournent dans des « jungles » infâmes, à leur propre détriment et celui des riverains lassés. Sans oublier le commerce ignoble qui en découle avec des sommes considérables récupérées par les passeurs, et surtout les victimes de ces tentatives de traversées. Nous, les Français, nous endossons l’impopularité de cette politique, tandis que les Anglais trouvent que leur contribution est trop lourde.

S’il ne tenait qu’à moi, je rendrais à César ce qui lui appartient. Les migrants du Pas-de-Calais ne souhaitent pas demander l’asile en France ou dans un autre pays de la communauté européenne. Ils ont souvent des proches ou de la famille en Angleterre. De plus, leurs chances de trouver un emploi de l’autre côté du Channel sont bien supérieures, et ils s’intègrent plus facilement là-bas. Les dirigeants anglais et français se sont entendus pour expérimenter un nouveau dispositif, passablement compliqué, basé sur une comptabilité d’épicier, afin qu’un migrant renvoyé en France ouvre droit à la venue d’un migrant en attente d’un passage en Angleterre. Il serait question de 50 migrants par semaine seulement, alors que près de 20 000 personnes ont tenté leur chance sur les 6 premiers mois de l’année 2025. Un grand écart spectaculaire qui démontre bien que le problème dépasse largement la seule question des relations bilatérales France-Angleterre et de leur « entente cordiale ».