Parlons chiffres

Nous sommes à une semaine tout pile de l’annonce par le Premier ministre, François Bayrou, des principales orientations du projet de budget 2026, dont nous savons déjà qu’il sera très difficile à boucler et qu’il risque de mécontenter tout le monde pour des raisons différentes. Le chiffre de 40 milliards d’économies circule depuis déjà longtemps, mais les avis divergent sur la façon de les obtenir. Le gouvernement semble laisser filtrer volontairement des pistes comme autant de ballons d’essai pour tester les réactions de l’opinion à telle ou telle mesure. L’état pourrait s’en prendre aux « niches fiscales », ces exonérations d’impôts diverses et variées, plus ou moins justifiées, au nom d’une égalité fictive sur des miettes quand le gâteau est si mal partagé.

Le taux de pauvreté a battu des records en France, atteignant 15,4 % de la population en 2023, dernier chiffre publié, le plus élevé depuis 1996, année de la création de l’indice. Ce sont près de 10 millions de personnes, sans compter les SDF, qui touchent moins que le seuil de pauvreté fixé à 1216 € pour 2025. Pendant ce temps, sept prix Nobel d’économie de toutes nationalités appellent à taxer les ultrariches à travers leur patrimoine, au moyen d’un impôt plancher sur le capital souvent constitué par le biais de l’optimisation fiscale. Une telle mesure serait plus efficace financièrement, et plus juste moralement que le plafonnement des déductions d’impôts sur les dons aux associations envisagées par des technocrates zélés en quête de bouts de chandelles. Parmi les possibilités d’économie, celle de la TVA dite sociale, tenait la corde récemment. Elle était supposée indolore puisque s’appliquant à tout le monde, comme si le surcoût de la baguette était équivalent pour le smicard et le milliardaire, alors que c’est naturellement le contraire, comme tout impôt indirect.

Faute de TVA, fausse bonne idée, on entend parler d’une « année blanche » pour les finances de 2026. En clair, il s’agirait de geler certaines dépenses en ne les indexant pas sur l’inflation, au hasard, les pensions ou les salaires des fonctionnaires, ou encore les prestations sociales. Bercy pourrait aussi ne pas revaloriser le barème de l’impôt sur le revenu, les fameuses tranches, qui compensent tant bien que mal les effets de l’augmentation du coût de la vie. De cette manière, formellement, le gouvernement tiendrait l’engagement d’Emmanuel Macron de ne pas augmenter les impôts, mais cela reviendrait au même pour le porte-monnaie des Français, qui s’aplatirait globalement. Je soupçonne le gouvernement de tabler sur un autre chiffre, peu médiatisé, celui de l’épargne des Français, une épargne dite « de précaution », destinée à amortir un éventuel « coup dur ». L’aléa en question risque bien d’être en effet une obligation de ponctionner une partie de leur livret pour payer les dépenses courantes, pour ceux qui le peuvent.