La piste russe

Nous n’en avons pas cru nos oreilles, hier matin, en apprenant que le musée le plus emblématique de France, le Louvre, avait été victime d’un vol avec effraction, en pleine journée, dans lequel huit pièces de joaillerie d’une immense valeur avaient été emportées par des cambrioleurs visiblement chevronnés. Les agents de sécurité présents sur les lieux n’ont pu que veiller à l’évacuation sans incident des visiteurs, qui est leur mission première en de telles circonstances. Les malfaiteurs se sont introduits dans le musée en utilisant une nacelle de chantier. Déguisés en ouvriers, ils se sont dirigés vers les deux vitrines contenant les bijoux de la couronne, et ils les ont forcées avec des disqueuses.

En 7 minutes, ils ressortaient et s’enfuyaient en scooter, non sans laisser tomber en chemin par maladresse une couronne impériale, retrouvée sur place. Les réactions à l’annonce de cette nouvelle sont unanimes : l’indignation de cette atteinte au patrimoine national, d’une part, et la sidération devant un manquement aussi évident du dispositif de sécurité, si facilement déjoué. Personnellement, ma première réaction a été l’étonnement devant la nature des objets dérobés et la difficulté de les revendre en raison même de leur valeur. Depuis le vol de la Joconde en 1911, peu de tableaux ont été dérobés, hormis une toile de Jean-Baptiste Corot, jamais retrouvée à ce jour, et qui doit orner le bunker d’un riche collectionneur qui aura commandité le cambriolage. Bien que l’ancien président François Hollande, dont j’ignorais l’expertise en la matière, ait déclaré ne vouloir exclure aucune piste, j’aurais tendance à en privilégier une, la piste russe. On sait en effet que la Russie de Vladimir Poutine mène des opérations que l’on qualifie volontiers d’hybrides en marge des opérations proprement militaires, connues jusqu’ici sous le nom d’opérations « spéciales ».

On sait par exemple que des groupes d’informaticiens se sont spécialisés dans les cyberattaques contre les intérêts occidentaux. Ou bien que les services russes essaient d’influer sur les campagnes électorales, ou encore qu’ils manipulent des groupes d’Europe centrale pour mener des actions d’apparence antisémite, etc. L’initiative d’Emmanuel Macron, en faveur d’un soutien accru à l’Ukraine, a fortement déplu et les propagandistes russes se sont déchaînés sur les antennes de la télévision d’état pour moquer les Français. Leur cible préférée, c’est Napoléon Premier, dont ils aiment à répéter qu’il a été vaincu par la Russie. Or, les bijoux visés par le braquage sont des symboles de l’époque napoléonienne, ou de la période qui l’a suivie immédiatement, Restauration et Second empire. Je ne serais donc pas étonné que l’on découvre que le commando qui a réalisé le braquage est composé de malfrats expérimentés dans ce type d’opération, et commandité par les services russes pour humilier et ridiculiser la France, sans espoir de revente. Encore faudra-t-il l’établir, ce qui n’est pas nécessairement dans l’intérêt des deux pays.