
French Touch
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 14 octobre 2025 11:03
- Écrit par Claude Séné

« Nul n’est prophète en son pays » a-t-on l’habitude de dire. Le mouvement musical reconnu internationalement comme le plus typique de notre culture moderne, et exemplaire du génie français, si toutefois il existe, présente la caractéristique paradoxale de ne s’exprimer qu’en anglais et apparait donc pour des béotiens comme moi comme une émanation d’une culture anglo-saxonne. Il existe cependant bel et bien un courant mondialement reconnu de musique techno, porté par des DJ français ou des groupes aussi célèbres que Daft Punk ou Justice. Dans un tout autre domaine, c’est dans la discipline économique que la France produit quantité de spécialistes, alors que le pays n’est pas dans une santé particulièrement florissante en ce moment.
C’est ainsi que l’économiste français, Philippe Aghion, vient d’être honoré du prix Nobel d’économie 2025 en compagnie de deux autres chercheurs, l’Américano-Israélien Joël Mokyr et le Canadien Peter Howitt, pour ses travaux sur la croissance. Si l’on était mauvaise langue, on reprendrait la blague de Coluche à propos du doyen de la faculté où il aurait suivi son cursus universitaire, et dont il disait : « ce gars-là, il nous vendait de l’intelligence, il n’avait pas un échantillon sur lui ! » Mais peu importe qu’il ait inspiré la politique économique du candidat Macron en 2017 et que « le Mozart de l’économie » n’en a pas fait le meilleur usage avec un déficit abyssal qu’il faudra combler un jour ou l’autre. Ce qui compte pour moi, c’est qu’il s’inscrit dans une tradition de compétence reconnue, qui nous a donné une certaine légitimité, comme celle de Jean Tirole nobélisé en 2014 ou Ester Duflo en 2019.
Alors que la plupart des économistes défendent le plus souvent des idéologies marquées à droite, le prix Nobel 2025 a pris position pour une « interruption » temporaire de la réforme des retraites sur la base de son application actuelle, pour permettre un réexamen ultérieur, par exemple dans le cadre de l’élection présidentielle. Ce qui est intéressant dans la démarche, c’est de sortir des positions classiques, dans lesquelles l’argument d’autorité, lié à la compétence admise, fait office de rationalité. Si l’on suit Philippe Aghion sur ce point, on n’est pas tenu de lui emboîter le pas sur son refus de la taxe Zucman, dont il reconnait par ailleurs le sérieux. Nous avons déjà connu par le passé des controverses à partir des travaux de Thomas Piketty ou Julia Cagé par exemple. Sans se priver de l’expertise de spécialistes qui ont fait cruellement défaut à Bruno Lemaire et l’ont amené à laisser filer les déficits sur la fin de son mandat, il faudrait probablement paraphraser une maxime bien connue, selon laquelle « la guerre étant une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires. » Il en va de même de la gestion de l’argent public, reflet des choix politiques ratifiés par les différentes élections.