Ambiguïté acte deux

La sortie d’Emmanuel Macron envisageant l’envoi de troupes terrestres en Ukraine n’en finit pas de susciter des réactions aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la France, et il apparait de plus en plus clairement que c’était exactement le but recherché par le président français. « Un président ne devrait pas dire ça » est la première des remarques à faire sur cette initiative personnelle qu’Emmanuel Macron ne semble partager qu’avec lui-même et qu’il a tenu à rapporter comme s’il s’agissait d’un point d’accord avec les chefs d’État réunis à Paris, tout en précisant « qu’il n’y avait pas de consensus » à ce sujet. La meilleure et la seule position possible consistait donc à ne pas en faire mention du tout.

Toute déclaration, positive ou négative, ne pouvait qu’affaiblir la position du camp occidental, en se tirant une balle dans le pied, et c’est bien ce qui s’est passé. Les pays présents à Paris ont été amenés à préciser qu’ils n’enverraient pas de troupes en Ukraine, et les États-Unis ont eux aussi démenti toute intervention directe sur le sol ukrainien. Si Vladimir Poutine nourrissait la moindre inquiétude sur ce point, il peut être rassuré. C’est à lui que le doute profite, et sa propagande peut s’en donner à cœur joie en moquant la versatilité du président français. Nous pourrions y ajouter la désinvolture chronique d’Emmanuel Macron, qui n’a pas plus de respect pour ses partenaires européens que pour son opinion publique. Au détour d’une petite phrase, il évoque l’éventualité du déclenchement d’une troisième guerre mondiale, car c’est de cela qu’il est question, comme s’il s’agissait d’une broutille, une de ses lubies dont il nous gratifie régulièrement. Tout juste s’il ne ponctue pas sa provocation d’un : « je dis ça, je ne dis rien, hein ! »

Comme il fallait s’y attendre, les partis politiques ont été contraints de se positionner pour répondre à cette éventualité que personne ne soutient, uniquement issue de la volonté du président de faire le kéké, et peut-être de détourner l’attention de la jacquerie en cours dans les campagnes françaises. Dans un réflexe pavlovien, la gauche a soutenu la cause d’une paix plus que jamais introuvable, en courant le risque de demander des négociations avec la Russie en étant en position de faiblesse, ce qui est inacceptable. Hors de question de rééditer la pantalonnade de Daladier et Chamberlain à Munich devant Hitler et Mussolini en 1938. Seul point positif peut-être d’une situation inutilement compliquée par le président lui-même : il semble avoir pris conscience que la représentation nationale pourrait être consultée sur l’opportunité de menacer une puissance nucléaire d’un affrontement direct avec les conséquences que l’on imagine, pour un coup de tête, dont on ignore si Emmanuel Macron a mesuré toutes les implications.