Le journaliste, ce pelé, ce galeux
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 3 mai 2017 10:52
- Écrit par Claude Séné
Il est devenu la cible préférée des politiques, coupable de vouloir faire son travail. Certaines scènes médiatiques, quand un personnage public est complètement cerné de micros et de caméras, semblent donner raison à cette réaction devant un excès de présence tel que les professionnels eux-mêmes n’arrivent plus à rendre compte de l’évènement dans de bonnes conditions. Le phénomène n’est pas nouveau, on se souvient de la mise en scène de Sarkozy en Camargue, suivi par une meute de journalistes parqués sur le plateau d’une camionnette, mais il a pris une ampleur inédite jusqu’ici.
Les plus virulents sont sans surprise les militants et les responsables du Front national, particulièrement ceux qui sont proches de la mouvance de la manif pour tous ou de sens commun. Le service d’ordre du parti, le fameux DPS, se charge d’écarter et de reléguer le plus loin possible les représentants des organes de presse jugés les plus nocifs, en particulier ceux de Quotidien, l’émission de télévision de Yann Barthès, qui sont systématiquement refoulés des meetings du mouvement. À force d’entendre siffler et huer les journalistes à longueur de réunions publiques, les simples électeurs du parti d’extrême droite ont fini par épouser les convictions de leurs dirigeants qui prennent la presse comme bouc émissaire de leurs propres insuffisances et contradictions. C’est ainsi que Martin Weil, journaliste à Quotidien, s’est pris un violent coup de sac à main de la part d’une ménagère à qui l’on aurait donné le Bon Dieu sans confession, dont il voulait recueillir l’avis sur le vote FN dans sa commune d’Hayange. Et l’on ne compte plus les agressions dont ont été victimes des journalistes dans l’exercice de leurs fonctions.
Même « encadrées » de façon aussi musclée, les activités journalistiques ne sont pas du goût des frontistes, qui préfèrent diffuser eux-mêmes et à leur manière les informations qui les concernent, au point qu’un élu FN, conseiller régional des Pays de la Loire, s’est déclaré favorable à la création d’un ordre des journalistes, afin de « sanctionner des pratiques mauvaises ». La direction de son parti a depuis pris ses distances avec ce projet, consciente de l’effet désastreux sur l’opinion d’une telle décision, mais sur le fond, il est patent que la méfiance et l’hostilité envers les médias restent constantes. On peut faire beaucoup de critiques à la presse, lui reprocher un manque d’objectivité, un certain emballement qui retombe rapidement au profit d’un oubli aussi excessif, ne pas toujours traiter les sujets importants et privilégier les anecdotes au détriment du fond. Cela est vrai, et cependant reste bien préférable à l’alternative, qui serait de céder à la tentation de la propagande, une information biaisée au service d’une idéologie aussi nocive que celle du FN.