Impôt sur la fortune

Cet impôt a toujours été dans le collimateur de la droite, qui laisse entendre qu’il aurait un caractère confiscatoire et qu’il serait de très mauvais rendement, coûtant presque plus à calculer et à percevoir qu’il rapporterait. C’est donc avec intérêt que j’ai appris que l’ISF avait rapporté à l’état, c’est-à-dire nous, 5,224 milliards d’euros en 2015. Soit autant de contributions que nous aurions dû payer, nous, simples citoyens sans patrimoine, par le biais d’autres taxations, directes ou indirectes. Cette somme rondelette a été acquittée par 342 942 foyers fiscaux auxquels s’ajoutera en 2016 celui du ministre de l’économie lui-même, Emmanuel Macron.

Évidemment, c’est peu en comparaison du manque à gagner dû à la fraude fiscale, qui est évaluée entre 60 et 100 milliards par an, et encore moins au regard de l’évasion fiscale, totalement légale, mais totalement immorale, qui prive la France de près de 600 milliards d’euros. Les quelques progrès dans la coopération internationale, notamment avec la Suisse, contrainte de lever en partie son secret bancaire, commencent à donner des résultats. Nous avons ainsi récupéré 2,6 milliards d’euros grâce au retour de certains exilés fiscaux. L’avantage, pour l’état, ou l’inconvénient, pour l’assujetti à l’ISF, c’est qu’il est appuyé sur un ou des biens matériels, non délocalisables. Difficile de planquer aux iles Caïmans un château en Sologne. Heureusement pour les plus fortunés, une des premières mesures que prendra Sarkozy dès son élection à la présidence de la République aura été de créer un « bouclier fiscal » pour plafonner à 50 % les prélèvements cumulés de l’ISF et de l’impôt sur le revenu. Ce taux est aujourd’hui de 75 %.

Les avocats-fiscalistes des grandes fortunes se sont précipités sur cette brèche pour examiner les conditions permettant d’échapper à tout ou partie de l’impôt. Et devinez quoi ? Ils ont trouvé. Au moins pour 50 des plus grandes fortunes françaises, dont la liste a été publiée par le Canard enchaîné. On y retrouve notamment Liliane Bettencourt, dont le patrimoine dépasse les 30 milliards d’euros, ou Bernard Arnaud, qui culmine à 34,6 milliards, soit 2 542 547 années de SMIC. Vous vous dites forcément que vous espérez que l’état français va réagir devant de telles révélations scandaleuses. Rassurez-vous. Michel Sapin, le ministre des Finances, a annoncé qu’il diligentait immédiatement une enquête pour déterminer l’origine des fuites dans son administration et prendre les sanctions qui s’imposent à l’encontre des fonctionnaires coupables d’avoir divulgué les résultats de cette étude. On ignore pour l’instant s’il compte présenter ses excuses aux personnalités mises en cause dans cette malheureuse affaire.