L’esprit de la loi

Le nouveau président de la région PACA, Christian Estrosi, a annoncé son intention de démissionner de deux de ses mandats électifs pour se mettre en conformité avec la loi sur le non-cumul, votée en 2014, mais qui prendra effet en mars 2017. C’est sans doute ce qui explique le peu d’empressement du député-maire de Nice à mettre en application son engagement de campagne. Il ne cherche nullement à cacher d’ailleurs que ces démissions ne sont dictées que par la nécessité et ne sont pas l’expression de sa profonde conviction.

À dire vrai, Christian Estrosi fait partie de cette génération de surhommes qui se croient capables de faire 4 ou 5 journées dans une, à moins qu’il ne considère que la tâche principale d’un élu consiste à venir toucher son chèque à la fin du mois, laissant le travail réel et rébarbatif à ses subordonnés. Devançant donc l’appel de quelques mois, après s’être fait tirer l’oreille aussi longtemps qu’il pouvait raisonnablement le faire sans paraître trahir ses propres promesses, il va quitter le poste de maire de Nice après avoir démissionné de son mandat de député. Même tardive, on ne peut qu’applaudir à cette décision de mise en conformité avec la loi. Du moins à sa lettre, car nous allons voir que dans l’esprit, il convient de se munir d’un tas de bémols pour lire la partition.

Si Christian Estrosi n’est plus député, il a pris soin de se faire nommer suppléant de sa protégée, qui a été élue en ses lieu et place. Une petite astuce qui lui permettrait de retrouver automatiquement son fauteuil si la nouvelle titulaire décidait opportunément de démissionner. Une tactique similaire va être employée à la mairie de Nice puisque Christian Estrosi sera le premier adjoint de son ancien premier adjoint devenu maire. Une sorte de partie de chaises musicales à la Poutine-Medvedev, dans laquelle on ne risque pas de se trouver le postérieur entre deux sièges, une confiscation de la démocratie, ou un abus de position dominante, au choix. Sans compter, naturellement, qu’il va conserver le poste de président de la Métropole, pour occuper ses moments de loisir. Voilà quelque temps que je défends l’idée du mandat unique, renouvelable une seule fois dans le temps, et j’apprends qu’un récent sondage indique que les Français y sont favorables massivement. Je m’en réjouis, tout en constatant que leur conviction profonde ne se traduit guère dans les urnes, puisqu’ils continuent à voter pour des chevaux de retour, dont certains ont même été convaincus de malhonnêteté, comme à Corbeil-Essonnes ou à Levallois-Perret.