Une histoire d’A…

Un peu dans l’actualité d’aujourd’hui. Elle se passe dans les années 50, je devais être âgée de huit ans au plus.

Le décor : un banc dans une allée du grand parc du comte de Puységur, qui passait au fond de notre jardin, et où l’on s’introduisait clandestinement pour y pirater quelques cyclamens ou pour y être tranquilles. C’est là qu’une de mes grandes sœurs, quelque temps avant la fête des Mères, se réfugiait pour en secret broder un magnifique napperon destiné à maman. Comme tout ce qu’elle faisait, c’était fignolé, léché, superbement créé, je ne pouvais qu’admirer, car bien sûr j’étais dans la confidence ! J’étais aussi un peu jalouse, moi qui n’avais qu’une boîte en raphia à offrir ce jour-là, devant ce qui allait devenir une merveille.

J’ai oublié le désaccord qui est survenu entre elle et moi la veille de la fête, peut-être avait-elle refusé de céder à un de mes nombreux caprices, le fait est que je lui ai dit : « je vais dire à maman ce que tu vas lui offrir pour sa fête ». Elle ignorait que je ne le ferais pas, ne souhaitant pas la trahir, que ce n’était qu’une menace ou un chantage au choix, il n’en reste pas moins vrai, que, blessée de voir le secret de toutes ces heures de travail révélé avant l’heure, comme c’était quelqu’un de très entier, elle a pris ses ciseaux et elle a déchiré le napperon en deux dans son milieu.

Le lendemain matin, les jumelles et moi avons offert nos cadeaux et Gisèle avait les mains vides. Cela n’a pas manqué d’étonner maman, et j’ai honteusement avoué qu’elle avait fait quelque chose de très beau, mais qu’elle l’avait détruit en partie à cause de moi. Maman ayant insisté, Gisèle lui a confié les deux moitiés de son travail et tout de suite avec un crochet et du coton perlé, maman, si douée, a réuni les deux morceaux avec un entre-deux superbe et, chose exceptionnelle pour elle si peu démonstrative et si avare de tendresse, elle a serré ma grande sœur dans ses bras et l’a embrassée. Elle a gardé cet ouvrage jusqu’à la fin de ses jours sur un guéridon, et chaque fois que je le voyais il m’était impossible de ne pas me rappeler ma vilenie.

Je ne sais par quel mystère ce souvenir m’est revenu vivace dès que les médias ont fait de la publicité pour la Fête des Mères. Beaucoup diront que c’est trop tard, mais j’ai voulu à travers ce billet faire un peu revivre mes deux chères disparues, à qui je n’ai pas assez dit, quand il en était temps, à quel point je les aimais… alors fête réac ou pas, profitez de cette occasion pour dire à votre vraie mère ou à celles et ceux qui en ont tenu lieu et aux autres, combien ils comptent pour vous et encore mieux, faites que ce soit leur fête tous les jours !

L’invitée du dimanche

Commentaires  

#1 Isabelle 04-06-2016 20:38
J'en ai les larmes aux yeux...
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