L’étrange lucarne

C’était une rubrique du Canard enchaîné dans les années 60 qui rendait compte régulièrement des émissions de télévision qui opérait déjà depuis les années 50. Où en est-elle aujourd’hui ?

Je n’ai pas pour ambition de retracer l’histoire de la télévision, mais depuis mon billet de la semaine dernière, mon horizon étant restreint, je ne doute plus de l’intérêt que présente pour moi cette invention magique. Bien sûr, je sélectionne mes programmes, j’essaie de rester critique, mais je me laisse aller aussi à des facilités, je peux devenir accro à des séries bien faites, et je me suis demandée ce qu’elle pouvait représenter pour l’utilisateur lambda.

 Ce qui m’a le plus frappée, c’est la facilité avec laquelle le spectateur courant s’immisce sans complexe dans sa fabrication. Il ne vous aura pas échappé que tous les concurrents des différentes émissions qu’on vous propose, évoluent sur les plateaux avec une aisance et un naturel extraordinaires. Pour être passée moi-même deux fois derrière l’écran, et avoir vécu sans problème cette expérience, je sais que rien de son mécanisme n’impressionne et cette aisance n’est pas fabriquée.

Encore plus surprenant, les participants à des pseudo-émissions de réalité qui sans restriction morale aucune, livrent les aspects les plus secrets de leur vie en pâture à des spectateurs voyeuristes pour une pseudo psychothérapie. Je fais référence à ces émissions racoleuses comme « toute une histoire », dont les thèmes à eux seuls donnent une idée de la profondeur des confidences : « comment j’ai soigné mon addiction aux jeux », « mon conjoint m’a trompé toute ma vie », « ma dépression postpartum », ou bien « c’est mon choix » encore plus près du caniveau…. Et sur le terrain, n’oublions pas « l’amour est dans le pré » ou « maisons à vendre ». Les participants volontaires savent tous que la caméra est présente, et pourtant le tour de force est géant, le téléspectateur l’occulte complètement.

Cet instrument qui au départ était extraordinairement nouveau et révolutionnaire, prolongement du service public, support de culture de masse est devenu au fur et à mesure des années un objet de consommation très courant présent dans 92 % des foyers. La multiplication des chaînes qui se tirent une concurrence sans pareille, cherchant à ratisser un public le plus large possible, car générant des ressources commerciales énormes auprès des annonceurs, en a fait un bien banal, voire indispensable… Sa banalisation a permis à chaque téléspectateur en puissance de s’approprier le phénomène à tel point que quand il va sur les plateaux il est chez lui.

Certains chercheurs sociologues disent ne pas s’expliquer pourquoi les téléspectateurs aiment tant la télévision. Les réponses sont sûrement complexes et nombreuses, l’étrange petite lucarne est devenue un œil énorme sur le monde, ouvrant des horizons, les réflexions, les informations, dont personnellement je ne pourrais plus me passer, laissant sur le bas-côté tout ce qu’elle a de plus vulgaire, après tout à chacun son choix.

L’invitée du dimanche