L’égalité réelle
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 13 février 2016 10:14
- Écrit par Claude Séné
Vous avez peut-être sursauté tout comme moi en découvrant l’intitulé du secrétariat d’État confié à la députée ultramarine de la Réunion, Éricka Bareigts, qui va être chargée de l’égalité réelle. La tentation est forte de se moquer de ces appellations saugrenues qui président parfois à la création de ministères improbables que l’on suppose imaginés de toutes pièces pour caser une personnalité, et l’opposition ne s’en est pas privée. Il y aurait donc une égalité « irréelle », ont ironisé les internautes de la twittosphère. Eh bien, oui. Si la formulation est maladroite, le problème existe bien.
Si le poste a été confié à une personnalité issue de la diversité comme on dit, c’est évidemment tout sauf un hasard. On imagine aisément qu’il y aura dans ses attributions la lutte contre les discriminations de toutes sortes. Le fameux plafond de verre qui empêche encore les femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités, les disparités de salaire entre les hommes et les femmes, les obstacles à l’embauche en fonction de l’origine sociale ou la couleur de la peau, pour ne citer que celles-là. En effet, si notre constitution déclare que les citoyens naissent et demeurent libres et égaux en droits, la réalité des choses est manifestement tout autre. Cette égalité dans les textes n’est qu’une égalité formelle, loin d’être appliquée et opérationnelle. Toute l’ambiguïté repose sur cette supposée égalité entre les êtres humains à la naissance, qui n’est manifestement pas naturelle et ne peut se réaliser que par une action volontaire de la société.
Si l’on met à part une poignée de conservateurs extrémistes qui justifieront à n’importe quel prix la conservation de leurs privilèges, la plupart des gens seront d’accord pour que le principe d’égalité soit appliqué. Du moins à la première génération. Dès qu’il y a accumulation de patrimoine se pose la question de l’héritage et de la transmission. Et par là même, celle de la reproduction des inégalités. Les plus généreux penseurs progressistes s’accorderont pour prôner une égalité des chances, la moins imparfaite possible, avec l’objectif de la promotion sociale, le fameux bâton de maréchal dans la gibecière du plus pauvre soldat. Un mythe comparable au gros lot des jeux à gratter ou au slogan de la loterie nationale, 100 % des gagnants ont tenté leur chance. Les malchanceux que la société laisse sur le bord de la route se consolent en se réjouissant du bonheur des riches ou de leur malheur, d’ailleurs, et espèrent que le sort leur sera plus favorable un jour. Cherchez l’égalité dans tout ça.