Préretraite

Après une carrière bien remplie, Laurent Fabius va pouvoir enfin toucher son bâton de maréchal en devenant le 10e président du Conseil constitutionnel. Il a beau n’avoir que 69 ans, on a l’impression de l’avoir toujours vu dans le paysage politique français. Il faut dire qu’il a commencé tôt, devenant même à 38 ans le plus jeune premier ministre de la 5e République. Protégé de Mitterrand, il semblait promis à la magistrature suprême, lui qui possédait à la fois la tête et les jambes, du nom de cette émission populaire de télévision à laquelle il avait participé avec succès en 1970.

Malheureusement pour lui, l’affaire du Rainbow Warrior, puis celle du sang contaminé, malgré un verdict de relaxe prononcé en sa faveur, vont plomber durablement son image dans le grand public et il ne finira que troisième lors de la primaire destinée à désigner le candidat aux élections présidentielles de 2007, remportée par Ségolène Royal. L’histoire ne repassera pas les plats et il se contentera de faire partie du gouvernement sous le quinquennat de François Hollande, en occupant le poste prestigieux de ministre des Affaires étrangères. Une fonction harassante qui le mène aux quatre coins du monde en provoquant chez lui des assoupissements remarqués, à peine masqués par des sourires d’excuse. Les mauvaises langues auront beau jeu de lui prédire un confort amélioré dans ses nouvelles fonctions pour l’exercice de son sport favori, la micro sieste, mais ce serait méconnaitre le rôle accru de l’institution qu’il va être appelé à présider.

Le Conseil est en effet saisi à tout moment, non seulement pour les lois mettant en jeu directement le fonctionnement des institutions, mais presque sur leur ensemble, sans compter les diverses questions préalables de constitutionnalité qui franchiraient le barrage de la Cour de cassation ou du Conseil d’État. Le pouvoir a donc tout intérêt à désigner des personnalités qui ne s’opposeront pas au fond des réformes souhaitées en saisissant l’opportunité de la forme. En pratique, l’équilibre des tendances politiques est assez bien respecté, bien que l’on ne sache rien des délibérations qui aboutissent aux décisions rendues. Le précédent président, Jean-Louis Debré, a quand même eu le temps de se consacrer à l’écriture de romans policiers. C’est peut-être pour ne pas risquer l’ennui que Laurent Fabius souhaite conserver la présidence de la COP 21 jusqu’en novembre 2016, où il passera le flambeau à Marrakech pour la COP 22. Il se murmure aussi que ce sera la saison des prix, et qu’un Nobel de la paix serait un cadeau de départ plus apprécié qu’une canne à pêche ou un appareil photo…