L’accent de la cime

Vous me voyez venir. Avec un titre pareil, peu de suspense sur le sujet du jour. Tous vos médias, radios, télé, internet ne parlent que de ça : la réforme de l’orthographe adoptée en 1990 va être appliquée dans les programmes et les manuels scolaires à la rentrée prochaine. Cette simplification préconisée par l’Académie française il y a 25 ans a finalement été peu appliquée, du fait de son caractère non contraignant. La mesure la plus emblématique concerne la disparition de l’accent circonflexe sur les i ou les u dans la plupart des cas, excepté lorsqu’il témoigne d’une nuance de sens.

Car c’est bien la difficulté de la langue française. Ce ne sont pas les règles qui sont les plus compliquées, mais bien les exceptions. C’est ainsi que la cime s’écrit sans accent quand l’abîme en prend un, d’où l’astuce mnémotechnique : « l’accent de la cime est tombé dans l’abîme ». Les pièges de l’orthographe sont tellement nombreux qu’un Bernard Pivot pouvait lancer tous les ans un défi sous la forme d’une dictée inspirée par celle de Mérimée sur laquelle les plus fins linguistes se cassaient les dents.

C’est sans doute cette conception élitiste de la langue, qui semblait réservée aux douairières et aux marguilliers, que l’Académie a voulu remplacer par une orthographe plus tolérante, où l’on admettrait plus volontiers des erreurs bénignes que l’on ne qualifierait plus de fautes. Cette simplification toute relative ne ferait à mon avis que masquer les inégalités flagrantes dans le maniement de la langue en fonction de son origine sociale et son degré d’éducation. Personne n’ignore à quel point l’orthographe et son corollaire grammatical sont un marqueur social. Si l’académicien peut se plier aux règles du langage SMS moyennant un certain apprentissage, l’inverse ne se vérifie pas. Quoi qu’en disent les recruteurs, la maîtrise du langage fera pencher la balance à compétences égales vers le candidat le plus lettré.

Après avoir traîné les pieds pendant toutes ces années, les éditeurs de manuels scolaires vont donc passer à la réforme, ce qui, soit dit en passant, va entraîner des mises au pilon et du chiffre d’affaires supplémentaire. Cela fera-t-il monter le niveau général de la culture ? Je n’en suis pas sûr, si j’en juge par les réponses de candidates de téléréalité à la question : « qu’est-ce qu’un triangle isocèle ? » la première, déterminée : « un triangle à trois côtés ! », la seconde, genre vous ne m’aurez pas, « un triangle à deux côtés ! » pendant que la troisième se tait, une lueur de panique dans le regard. Dans l’abîme, vous dis-je.

Commentaires  

#1 jacotte 86 05-02-2016 12:52
pour rire un peu...qu'Est-ce que le triangle des bermudes???
réponse: les trois pièces dans le fond de mon short!
j'ai un peu honte mais ça m'a fait rire toute seule...
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