Ras la coupole

Autant vous le dire tout de suite, je n’étais déjà pas très chaud pour vieillir, mais les récents faits divers concernant les divertissements de jeunes stagiaires aux dépens de résidents de maisons de retraite m’ont dissuadé définitivement de vouloir y finir mes jours. Si c’est indispensable de prendre de l’âge, à la rigueur, je veux bien, mais il est hors de question de me faire rattraper par celui dont j’oublie toujours le prénom, ah, oui, Alois, ou son copain Parkinson. Que ce soit bien clair : je refuse. Et de toute façon, je ne veux pas mettre les pieds dans un mouroir, fut-il de luxe, dans le cas improbable où mes revenus me le permettraient.

Je suis comme tout le monde, moi. Je veux vivre avec les jeunes, même si certains d’entre eux ont des comportements qui m’échappent totalement. Prenons ces jeunes stagiaires d’à peine 17 ans, qui préparaient un diplôme destiné à leur permettre d’exercer une activité de soin auprès de personnes âgées, et qui n’ont rien trouvé de mieux que de filmer les résidents pour les humilier et rire à leurs dépens. À la stupidité de leurs actes, elles ont ajouté la bêtise de tout faire pour se faire prendre. La dernière mode consiste à diffuser tout et n’importe quoi sur le nouveau réseau social, Snapchat, qui est censé n’abriter que des photos ou vidéos éphémères dont le contenu est supposé disparaitre au bout de quelques secondes. Le jeu consiste à y poster des contenus choquants dont on s’imagine que personne ne pourra garder la trace, en ignorant superbement les captures d’écran et les logiciels spécialisés. Parfois, les auteurs de ces stupidités sont tellement obnubilés par leur soif de célébrité qu’ils en oublient la prudence la plus élémentaire comme ces deux jeunes hommes qui diffusaient presque en direct sur Facebook le viol de l’amie de l’un d’eux et se sont fait prendre en presque flagrant délit par la police alertée par des internautes indignés.

Le fameux quart d’heure de célébrité à la Andy Warhol aura fait bien des ravages dans la société contemporaine. Je préfère finir dans l’anonymat plutôt que d’acquérir ce genre de notoriété. Je n’envierai pas non plus le sort d’Alain Finkielkraut, momifié de son vivant, qui vient de rejoindre l’Académie française et son terrible cortège d’immortels qui ont tous un pied dans la tombe, même ceux qui, comme Jean d’Ormesson, ont encore l’autre pied bon et l’œil vif. Qu’il y repose en paix.