À bas le shah !
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 29 janvier 2016 10:40
- Écrit par Claude Séné
La signature d’importants contrats au cours de la visite en France du président iranien, Hassan Rohani, n’a pas manqué de soulever de nombreuses critiques. Est-il moral de commercer avec un régime où les droits de l’homme sont manifestement bafoués, où la presse n’est pas libre et les opposants systématiquement poursuivis ? À l’évidence, non, et pourtant la realpolitik a encore une fois pris le pas sur les convictions. Comme chaque fois qu’un dictateur se présente, ou quand un dirigeant français se rend dans un pays dirigé de manière autoritaire, la thèse officielle annonce que la France a fait la morale à ses interlocuteurs en les rappelant au respect des droits de la personne humaine.
Personne n’est dupe, naturellement. Quand des intérêts financiers aussi colossaux et des équilibres géostratégiques de première importance sont en jeu, le réalisme l’emporte sans coup férir. Et quand la France refuse de livrer deux frégates à la Russie, l’opposition oublie ses préventions à l’égard du régime de Wladimir Poutine pour critiquer la perte de ce contrat, préjudiciable à l’économie nationale. L’affaire se corse évidemment quand le visiteur a des exigences, réelles ou supposées, sur les conditions de son accueil. L’Italie s’est crue tenue de dissimuler les statues trop dénudées, la France a évité de devoir bannir le vin de la table présidentielle en esquivant le repas officiel.
Si le régime actuel en Iran est très loin d’être une démocratie, la République islamique a renversé et remplacé une autre forme de pouvoir personnel. Pendant ma jeunesse, les journaux à potins, que l’on n’appelait pas encore people, étaient remplis des rumeurs concernant le shah, monarque absolu, et sa femme, Farah Diba, au même titre que la famille royale d’Angleterre ou la dynastie de Monaco. Nous savons maintenant comment le souverain iranien, Reza Pahlevi, a fait régner l’ordre et rempli les prisons sans se soucier le moins du monde de l’opinion internationale, fort du soutien des États-Unis. Je me souviens qu’à l’époque la France entretenait d’excellentes relations avec l’Iran, au point que nous côtoyions de jeunes élèves officiers iraniens, en stage à l’école de maistrance, qui forme les cadres de la marine nationale française. À vrai dire, nous ne les appréciions pas beaucoup, car ils avaient de l’argent, le prestige de l’uniforme, l’attrait de l’exotisme et nous supplantaient dans le cœur de nos petites amies, avec une forme d’arrogance insupportable. Il m’aura fallu plus de 50 ans pour tenir ma revanche : à bas le shah !