À quoi jouent les « sages » ?

La question se pose au vu des conclusions du Conseil constitutionnel sur le projet de loi Santé concernant le tiers payant généralisé qui doit être mis en place à compter du 1er janvier 2017. Si les neuf « sages » ont validé la disposition sur la partie prise en charge par la sécurité sociale, ils ont « retoqué », selon l’expression consacrée, la partie remboursable par les mutuelles. Si les choses en restaient là, les patients ne seraient dispensés de l’avance de frais que sur 15 euros et 10 centimes pour une consultation à 23 euros.

Une façon de vider d’une grande partie de sa substance une mesure plébiscitée par les Français qui savent qu’un bien portant n’est autre qu’un malade qui s’ignore et qui voyaient dans cette disposition une simplification qu’ils apprécient déjà chez le pharmacien. La loi a été censurée au motif qu’elle n’encadrerait pas suffisamment le dispositif en ne définissant pas clairement les droits et obligations des médecins et des mutuelles. En d’autres termes, l’emballage de la loi serait défectueux. Ce n’est pas impossible et ce ne serait pas la première fois, mais est-ce bien le rôle du Conseil constitutionnel que de s’assurer de cela ? N’aurait-il pas pour mission de vérifier la non-contradiction d’une loi avec la charte commune qu’est notre constitution ? J’avoue que j’ai du mal à percevoir en quoi un flou dans une disposition concernant des modalités pratiques de l’accès aux soins serait contradictoire avec un principe d’égalité ou tout autre droit de l’homme et du citoyen défini par la constitution.

Tout se passe comme si le Conseil constitutionnel s’arrogeait le droit de statuer en dernier ressort sur le fond même des lois votées par le Parlement, en fonction de ses propres opinions et non selon un principe extérieur qui les dépasse et qui constitue notre règle commune au-delà des clivages partisans. De plus en plus, il fonctionne à la manière de la Cour de cassation, qui est censée vérifier en bout de course que la procédure a bien été respectée, mais qui statue souvent sur le fond en saisissant le prétexte d’un vice de forme. À force de lui demander son avis sur tout et n’importe quoi, au travers de questions préalables de constitutionnalité, on a dévoyé son rôle primordial de gardien du temple et l’on a banalisé cette institution dont l’impartialité peut désormais être remise en question. Personne n’a rien à y gagner.