Présomption de légitime défense

Contrairement à une idée reçue, elle n’existe pas pour les policiers, soumis au régime général concernant la légitime défense, et pourtant elle a joué à plein dans l’acquittement prononcé hier aux assises de Seine-Saint-Denis. Le policier comparaissait pour avoir tiré en 2012 sur un malfaiteur armé qui s’enfuyait et l’avoir tué d’une balle dans le dos. Aucun témoin ne peut confirmer la version du policier qui affirme que le braqueur l’aurait mis en joue. Pire, quatre personnes crédibles contredisent sa thèse, ayant vu la victime tomber vers l’avant, sans jamais se retourner.

Des témoignages qui ont amené l’Inspection générale des services à enquêter et à établir que les collègues du policier avaient modifié la scène de crime, déplacé un véhicule, ainsi que les douilles correspondant aux tirs. Un d’eux est même revenu sur son témoignage qui disculpait totalement le policier, alors qu’il n’avait en réalité rien vu. Même la hiérarchie aurait fait pression pour tenter de dissuader les témoins de donner leur version des faits. Ce verdict, très clément, s’inscrit dans le contexte de la demande répétée du syndicat de police Alliance, qui souhaite un élargissement des conditions de la légitime défense, ce que serait disposé à examiner Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur. On se demandera, encore plus qu’avant, si cette mesure est vraiment nécessaire au vu de la pratique sur le terrain. Tout porte à croire la thèse de l’avocat général, selon laquelle ce policier n’était pas apte à gérer son propre stress et qu’il aurait paniqué dans cette situation délicate. Ce n’est pas en changeant les règles de la légitime défense que l’on évitera de tels « accidents ». La victime n’était certes pas un enfant de chœur, c’était un braqueur multirécidiviste, mais la peine de mort reste abolie en France et ne peut être infligée sur la base d’une impression.

Si des aménagements devaient être apportés aux règles de la légitime défense, ce serait plutôt dans des affaires comme celle de Jacqueline Sauvage, qui a eu le tort de ne pas tuer son mari violent dès le premier tabassage et de laisser s’accumuler les sévices, les mauvais traitements et même les abus sexuels, avant de saisir le fusil quand la coupe a débordé. Dans son cas, elle était présumée coupable, et sa défense jugée trop tardive pour être légitime. Difficile de garder confiance dans une justice si manifestement injuste.